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religieuses de ses confrères teutons. Nous sentons que chacune de celles-ci, avec tout ce qu’elle a d’impudemment blasphématoire, atteint et blesse M. Bang au plus vif de son cœur ; et aussi faut-il voir la consolation qu’il éprouve lorsqu’il a l’occasion de rencontrer, par miracle, un théologien ou n’importe quel écrivain allemand qui proteste contre l’audace sacrilège du dogme nouveau. Mais, hélas ! combien ces véritables « protestans » sont rares, et combien timides leurs « protestations ! » En voici un qui regrette que le pasteur Preuss ait semblé mettre la « Passion » de l’Allemagne au-dessus de celle du Christ, et un second qui, tout en reconnaissant les titres exceptionnels de l’Allemagne à la faveur de Dieu, n’ose pas admettre, cependant, que Dieu soit désormais devenu Allemand ! Encore ces voix discordantes, selon toute probabilité, n’auront-elles pas tardé à être étouffées, comme l’a été celle du professeur de philosophie bavarois F. W, Fœrster, dont le petit livre intitulé : La Jeunesse de l’Allemagne et la Guerre présente, constitue à mes yeux, avec certains discours du député Liebknecht, les seuls actes d’indépendance accomplis en Allemagne depuis l’agression de 1914. A moins que l’on veuille joindre à l’attitude courageuse de ces deux hommes des aveux ingénus comme ceux que le professeur Hang a eu la joie de découvrir dans une lettre écrite, du « front, » par un soldat hessois : « Si vous saviez quels sermons scandaleux nous avons à entendre ! Quand un pasteur nous représente l’Allemagne comme étant Dieu, et la vie éternelle comme n’étant que le prolongement de notre vie actuelle dans la mémoire des générations futures, quand il nous ordonne de ne voir l’enfer que dans la personne des ennemis contre lesquels nous avons à combattre, ah ! combien tout cela est peu fait pour renforcer l’étincelle de foi allumée, dans bien des cœurs, par le spectacle des terribles choses qu’il nous faut traverser ! »


T. DE WYZEWA.


M. de Wyzewa venait de terminer cette chronique lorsqu’il a été atteint par le mal qui devait l’emporter si rapidement. Nous dirons une autre fois ce que la Revue doit à l’écrivain pour sa brillante collaboration, ininterrompue pendant près de trente ans. ; Aujourd’hui, dans la douleur de cette brusque disparition, nous ne pouvons qu’adresser à l’ami qui nous est trop tôt enlevé un adieu profondément ému.