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« surnaturelles » qui ont amené la récente création du « Dieu Allemand. » Il raconte de quelle manière le Dieu de la Rible, après avoir d’abord choisi pour son peuple favori la race d’Israël, s’est ensuite flatté de l’espoir de régner sur toutes les nations, en les convertissant à la foi de son divin Fils. Mais l’entreprise a échoué, à son tour, et la plupart des nations soi-disant chrétiennes se sont refusées à devenir sujettes du vrai Dieu. De telle sorte qu’à présent Dieu se trouve forcé de choisir, de nouveau, un peuple particulier, par le moyen duquel il recommencera sa tentative de « conquérir le monde. » C’est ainsi que, depuis ces temps derniers, « le Dieu des Allemands est devenu vivant. » Renonçant à régner sur un monde qui, décidément, ne lui apparaît pas encore « assez mûr » pour lui appartenir, Il a revêtu, si je puis dire, la nationalité allemande, de façon que « le christianisme, afin de remplir son rôle final de religion universelle, soit contraint de passer par la nature allemande, et de se mêler étroitement avec elle. » Voilà, en quelques mots, quelle a été la curieuse genèse du « Dieu Allemand ! » Et le pasteur Lehmann, s’adressant éloquemment à ses compatriotes, leur demande s’il n’est pas vrai que chacun d’eux, « dans ce temps où le mensonge, la passion, et l’égoïsme dominent de tous côtés autour de leur peuple, n’éprouve pas au fond de son cœur la conviction que c’est ce même peuple que Dieu a maintenant élu pour être ses héritiers, l’instrument favori de ses bienfaits et de ses châtimens. »

D’où résulte que la présente guerre est avant tout, — de la part des Allemands, — une tâche de salutaire « conversion » religieuse. « Le motif qui nous pousse à combattre n’est nullement le désir d’accroître notre puissance, ni d’étendre nos frontières, ni de servir aucun intérêt égoïste : nous combattons simplement et expressément en tant que chrétiens, au sens où notre race allemande comprend le christianisme ! Et croyez-vous que les Russes, les Français, les Serbes, les Anglais en puissent dire autant ? Non certes, pas un d’entre eux ; il n’y a que nous seuls, Allemands, qui puissions le dire ! »

Mais encore faut-il qu’avant de « convertir » les Alliés, le « Dieu Allemand » les punisse de la longue série de leurs péchés contre Lui. De la même manière que le Surintendant Général Lahnsen, le pasteur Lehmann n’admet pas que les Allemands haïssent les personnes particulières de leurs ennemis. La « bassesse » et l’« infamie » qui se sont révélées chez ces derniers, voilà ce que Jésus-Christ leur ordonne de haïr ! Et comment pourraient-ils, en vérité, songer à pénétrer leurs ennemis de leur religion nouvelle, « mêlée de christianisme et de