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Car cette puissance foncière de notre peuple manifeste le caractère propre de sa nature précisément en ceci : qu’elle peut attendre patiemment l’heure où notre Dieu, s’adressant à nous par l’entremise de notre conscience, nous déclare : « Le temps est venu pour vous, frappez, et ne craignez pas qu’il vous arrive aucun mal ! » Et c’est ainsi, mes frères, que le temps n’était pas venu encore pour nous au moment de l’épisode du Maroc. Mais à présent ce temps est venu ; et la puissance allemande, calme et résolue, n’hésite plus à affronter un monde d’ennemis. Notre conscience nous ordonne de le faire ; et, dès qu’elle a parlé, il n’y a plus pour nous ni hésitation, ni discussion, ni rien autre que les coups allemands et la puissance allemande ! Et quant à ce qui est de la crainte, les Allemands sont, sous ce rapport, en proche parenté naturelle avec l’esprit de Jésus, qui ne manquait jamais de déposer son : « Ne craignez point ! » sur les têtes des disciples appelés à le suivre.


Cette révélation imprévue des véritables motifs de la « politique de faiblesse apparente » pratiquée par l’Allemagne après « l’épisode du Maroc » est extraite du dernier des Six Sermons de Guerre prêches dans sa paroisse berlinoise par un pasteur luthérien, M. Karl Kœnig. Rédigeant et débitant son sixième sermon pendant les premiers jours de septembre 1914, le pasteur Kœnig en était encore à tenir pour imminentes la défaite absolue des Alliés et l’entrée triomphale de « Guillaume le Non-Timide » à Paris, — à tel point que, dans un naïf élan de gratitude envers son fidèle Dieu national, il allait jusqu’à le remercier du beau temps, chaud et ensoleillé, qu’il avait daigné accorder à l’Allemagne pour toute la durée de cette courte guerre ! C’est en s’appuyant sur cette certitude joyeuse d’une victoire toute proche qu’il se risquait à reconnaître et à proclamer ouvertement, — de la même manière que le faisait, vers le même temps, M. Maximilien Harden, — l’origine purement « allemande » d’une guerre entamée dès que l’heure était enfin venue pour les « coups allemands. » Aujourd’hui, sans doute, et en vérité depuis déjà très longtemps, le pasteur Kœnig doit avoir complètement changé d’opinion touchant l’initiative et les débuts de la guerre : ne l’entendons-nous point, le pauvre homme, déplorer pitoyablement, du haut de sa chaire, le mélange sacrilège de rancune et d’envie avec lequel la méchante troupe des Alliés a entrepris d’attaquer par traîtrise, en 1914, un souverain dont le nom légitime se trouve n’être plus désormais ni « Guillaume le Timide » ni « Guillaume l’Intrépide, » mais bien « Guillaume le Doux et le Pacifique ? »

Mais il n’en reste pas moins que, en dehors même de l’impulsion des circonstances, il y a chez le pasteur Kœnig un penchant naturel à