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ROUEN PENDANT LA GUERRE.

nouveaux postes d’un accès difficile, et qui encourent de ce fait des frais assez considérables.

J’insiste sur cette réglementation intelligente et peu connue pour éclairer l’opinion fâcheuse de certaines personnes disposées à attribuer l’immense développement du port de Rouen à un concours de circonstances fortuites et qui en feraient volontiers le résultat de fatalités économiques aveugles et inévitables. Combien de plus noble fierté on puise à y voir, au contraire, l’aboutissement d’une suite de volontés héréditaires et sagaces, ce travail du cerveau humain poursuivant, depuis soixante-dix ans, depuis les deux premiers millions de crédit que Lamartine, inspiré, fit voter à la Chambre pour les travaux de la basse Seine, une idée unique.

Pour stimuler les importations, on a établi encore un règlement intéressant qu’il faut connaître. Le port de Rouen ne possède pas seulement des places banales, il en a également de concédées moyennant une location qui varie suivant la surface occupée. Mais, outre le loyer, ces places sont soumises à l’obligation d’un minimum de tonnage fixé par le service de navigation. C’est ainsi que, pour une place à quai d’une longueur de 80 mètres environ, le réceptionnaire doit débarquer 12 000 tonnes par mois, et, pour deux places, 24 000 tonnes. Faute de quoi une pénalité dont le maximum ne doit pas dépasser 2 francs par tonne manquante, lui est appliquée. Moins, j’imagine, par la crainte de cette amende que par l’ambition de justifier la faveur dont ils jouissaient, les concessionnaires des places à quai sont parvenus, par l’habileté de leurs combinaisons d’affrètement et l’excellence de leur outillage, à réaliser, et bien au-delà, le tonnage imposé.

Ces détails d’administration n’indiquent-ils pas dans le Service de navigation et dans la Chambre de Commerce des esprits toujours en éveil, habiles à exciter l’activité de négoce et poursuivant d’un effort constant leur grand but ? On s’explique mieux, les connaissant, le prodigieux développement du port de Rouen et en particulier l’augmentation de 100 000 tonnes de houille que 1916 donna sur 1915, malgré les taxations fatales intervenues en juin de cette année, et devant lesquelles les affréteurs, Scandinaves pour la plupart, préférèrent faire grève. Après le premier semestre de 1916, M. Perrée, fidèle historiographe du port de Rouen, écrivait : « Pendant les six premiers