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vivre, qu’on n’a trouvé dans l’Europe entière que ces pauvres êtres à lui envoyer et il méditera une fois de plus sur ta fortune.

Ces lettres de Pesch et de Madame suffiraient à prouver la réalité de cette lamentable aventure, si singulière toutefois qu’on est tenté de rester incrédule : mais le témoignage d’un témoin qu’on ne saurait récuser lève tous les doutes et fournit les précisions nécessaires :

« J’ai eu bien à souffrir depuis deux ans, écrit à Planat la princesse Pauline[1], car mon oncle, Maman et Colonna, se laissent guider par une femme intrigante, qui est Allemande, espion de la cour d’Autriche, qui dit voir la Madone qui lui apparaît, enfin qui lui a dit que l’Empereur n’était plus là, mille extravagances incroyables ! Le cardinal en est presque fou, car il dit ouvertement que l’Empereur n’est plus à Sainte-Hélène, qu’il a eu des révélations qui lui ont appris où il est.

« Nous avons depuis deux ans fait tout, Louis et moi, pour détruire les impressions de cette sorcière, mais tout a été inutile ; mon oncle nous a caché les nouvelles et les lettres qu’il recevait de Sainte-Hélène, disant que ce silence devait nous convaincre assez !

« Maman est dévote et donne beaucoup à cette femme qui est liguée avec son confesseur, qui lui-même est le bras droit d’autres prêtres encore. Tout cela est une intrigue affreuse et Colonna soutient tout cela. Il est à l’église du matin jusqu’au soir. » Quelques jours après[2], la princesse précise les détails et indique les conséquences de l’emprise exercée par la thaumaturge : « Il en est résulté, écrit-elle, que toutes les lettres que Madame et le cardinal ont pu recevoir depuis deux ans ont été regardées comme fausses : Signature fausse, lettres inventées par le gouvernement anglais pour faire croire que l’Empereur est toujours à Sainte-Hélène, tandis que le cardinal et Madame disent savoir pertinemment que Sa Majesté a été enlevée par les Anges et transportée dans un pays où sa santé est très bonne et qu’ils en reçoivent des nouvelles. (Madame ne recevait des lettres que des mains du cardinal.) Cette sorcière se sert de tous les événemens politiques pour parvenir à son but. Toute la maison de Madame est gagnée, Colonna à la tête. Madame et le cardinal ont voulu m’entraîner dans leur croyance ainsi que

  1. 11 juillet 1821.
  2. 15 juillet 1821.