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grand nombre d’industries ignorent encore l’usage des laboratoires d’usine. C’est la raison principale, — non la seule, — de l’envahissement de nos marchés par des produits supérieurs ou meilleur marché venus de l’étranger, et de notre évincement progressif des. marchés industriels exotiques.

Comme le remarque très justement M. Le Chatelier, la difficulté principale à vaincre pour y remédier est le scepticisme un peu méprisant des classes éclairées de la société française à l’égard de la réalité et de la bienfaisance de la science. Le miroitement des mots étincelans nous cache trop les choses ; les formes nous cachent trop lu substance ; le vers du poète :


… L’homme, c’est le verbe et le verbe c’est Dieu,


est surtout vrai de nous et dans un sens où ne l’entendait pas celui qui l’écrivait. Ou, pour mieux dire, ce n’est pas le verbe qui est le Dieu de nos gens du monde, mais l’adjectif. Renan a écrit là-dessus jadis, et ici même, des choses fort dures, trop dures même pour être rappelées en ce moment. En revanche, sur le même sujet, on peut citer, de Pasteur, les paroles suivantes où il explique nos désastres de 1870, et qui pourraient expliquer aussi, en atténuant un peu leur sévérité, que nous n’ayons pas eu deux ans plus tôt la victoire aujourd’hui certaine : «… Victime sans doute de son instabilité politique, la France n’a rien fait pour entretenir, propager, développer le progrès des sciences dans notre pays… tandis que l’Allemagne multipliait ses universités, qu’elle entourait ses maîtres et ses docteurs d’honneurs et de considération, qu’elle créait de vastes laboratoires dotés des meilleurs instrumens de travail… »

En regard, il met « l’oubli, le dédain que la France avait eu pour les grands travaux de la pensée, particulièrement dans les sciences exactes. » Et Sainte-Claire Deville dans le même temps disait à l’Académie des Sciences : « C’est par la science que nous avons été vaincus. »

Ces avertissemens pour notre bonheur ont été depuis des années partiellement entendus. Il appartient à la France de demain de les graver à jamais au centre de ses préoccupations et, alors, elle sera invincible dans la paix comme dans la guerre ; c’est une affaire d’éducation, d’enseignement, de mœurs, et l’influence de la presse pourra ici être très utile.

Il va sans dire que nous ne venons d’examiner qu’un des côtés de la question. Si Zeiss s’était contenté de faire travailler Abbe et d’utiliser en même temps ses anciennes méthodes de taille des