Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/705

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rayons pénétrant dans une lentille sous des incidences obliques inégales, s’ils proviennent d’un point non situé en face du centre même de la lentille, ne donnent pas pour image un point mais deux petites lignes lumineuses placées dans des plans différens ; c’est ce défaut qu’on appelle l’astigmatisme (α privatif, στιγμα point).

Les théories élémentaires montraient bien que l’on arriverait à diminuer ces défauts en mettant à la place d’une lentille unique deux ou plusieurs lentilles de formes différentes et composées de verres différens. Mais en fait on n’utilisait dans l’optique que deux espèces de verre, le crown léger et le flint rendu plus lourd par la présence du plomb. (Je rappelle que le verre est obtenu en fondant ensemble dans des creusets spéciaux du sable blanc, du carbonate de potasse ou de soude, et de la chaux ou un sel de plomb). Zeiss comprit qu’il était nécessaire d’améliorer dans ce domaine à la fois la théorie et la pratique, et la pratique par la théorie : il associa au petit atelier où il fabriquait ses microscopes un assistant de l’Université d’Iéna, le mathématicien Abbe. Pendant dix ans Abbe étudia géométriquement les lentilles et leur association, et les formes et les propriétés qu’il faudrait leur donner pour atténuer ou supprimer les diverses causes perturbatrices, signalées plus haut, sans enlever aux objectifs leur luminosité. Pendant dix ans il aligna et développa les calculs, ne laissant aucun détail inexploré, faisant en quelque sorte la métaphysique de l’optique, non pas en prenant pour base de ses calculs les propriétés des verres connus, mais en édifiant le château de ses théories, comme si les possibilités pratiques étaient infinies. Il trouva ainsi les formules de divers bons objectifs, mais qui exigeaient pour leur fabrication des verres ayant des propriétés non encore réalisées. C’est alors que Zeiss associa à ses recherches un verrier pour fonder une fabrique de verre que l’État prussien dota dès sa formation d’une subvention annuelle de 30 000 marks. En faisant varier la nature et la proportion des constituans classiques du verre on y réalisa des centaines et des centaines de sortes de produits nouveaux dont les propriétés étaient étudiées par les méthodes délicates du laboratoire en vue de découvrir les verres qui se rapprocheraient des types idéaux calculés par Abbe. C’est ainsi qu’en incorporant aux verres notamment la baryte, on en obtint qui étaient très voisins des types théoriques et qu’on appela les verres d’Iéna. On réalisa en particulier ainsi des verres où le pouvoir dispersif n’était nullement lié au pouvoir réfringent, contrairement aux idées longtemps admises à tort.

C’est ainsi que fut rendue possible la construction des objectifs