Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/648

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos femmes, nos sœurs, nos filles, se pencher sur la souffrance de nos soldats, et jusqu’en cette musique douce et tendre comme elles, nous sommes émus de retrouver et de saluer l’image ou la ressemblance de leurs soins, de leur dévouement et de leur amour.

Oserons-nous enfin demander à l’art d’un Saint-Saëns quelque signe sensible, j’allais dire la promesse, ou le gage, ou tout au moins le symbole de nos proches et glorieux destins ? Ouvrons alors, aux dernières pages, la Symphonie en ut mineur et, dans cette péroraison victorieuse, triomphale, dans cette espèce de « gloire » sonore, un des plus hauts chefs-d’œuvre de notre grand musicien, nous saluerons, d’avance, l’apothéose de notre patrie.


Et pourtant, près de conclure et de rassembler une dernière fois en notre mémoire l’œuvre entier d’un Saint-Saëns, nous ne saurions y donner la première place aux « puissances de sentiment. » Les autres, que nous avons analysées les premières, y sont les plus fortes. Aussi bien, cette conclusion ne déplaira pas au maître, jaloux, plus que de toute autre maîtrise, de la maîtrise de l’intelligence ou de la raison. Il la possède, il est seul aujourd’hui parmi les nôtres à la posséder pleinement. Où donc avons-nous trouvé naguère, ou retrouvé, ce précepte d’Auguste Comte : « L’esprit doit toujours être le ministre du cœur et jamais son esclave. » On pourrait définir ainsi l’art d’un Saint-Saëns et la leçon qu’il nous donne. Il n’en est pas de plus conforme à la tradition classique, à la tradition française. Il n’en est donc pas de plus utile, de plus nécessaire aujourd’hui.


CAMILLE BELLAIGUE.