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garnissait toutes les vitrines… C’en était trop aux yeux de l’administration allemande ! Elle placarde une nouvelle affiche où elle se vante de son indulgence vis-à-vis des petites manifestations patriotiques de la journée, mais elle prend prétexte de soi-disant incidens regrettables qui se seraient produits au départ de Mgr Mercier, pour frapper la ville de Bruxelles d’une amende minime : « Celle-ci s’élèvera à un million de marks seulement. »

Que dire de la grande union qui rapproche tous les Belges en notre douloureuse épreuve ? Au service religieux de Sainte-Gudule, le conseil communal de la ville, d’opinion fortement libérale, assista tout entier. Catholiques, socialistes, francs-maçons même s’y coudoyaient. « Et tous, réfugiés dans cette Eglise comme dans le dernier asile où l’on pût avoir encore quelque liberté, tous, d’une seule voix, purent crier leur amour pour la patrie[1]. »


RÉSISTANCE DE LA BELGIQUE ENVAHIE — LE CLERGÉ

Cette belle et fière résistance, la Belgique l’a opposée sans cesse au joug grandissant de l’oppresseur. Le clergé, en tout premier lieu. En maintes occasions, les prêtres cherchèrent d’eux-mêmes à amortir le choc entre la population et l’envahisseur : ils s’offrirent comme otages et furent souvent victimes de la barbarie teutonne. Au-dessus d’eux tous, plane la belle figure du cardinal Mercier qui, dans sa lettre pastorale de Noël 1914, flétrit si largement les atrocités allemandes. Comment osait-il énumérer ainsi en pleine chaire la longue liste de leurs crimes ? J’entends encore le vénérable doyen de Saint-Jacques de Caudenberg nous transmettre les leçons de patriotisme et d’endurance que notre évêque voulait bien nous donner en termes d’une rare éloquence. Il nous disait qu’à son retour de Rome, il avait parcouru la plupart des régions dévastées de son diocèse : « ce que j’ai vu de ruines et de cendres dépasse tout ce que, malgré mes appréhensions pourtant très vives, j’avais pu imaginer. Des villages entiers ont quasi disparu. » Il évoque les souvenirs de sa chère ville de Louvain, et l’incendie, et la destruction qui la ravagèrent. Il nous fait comprendre que la partie occupée du pays est dans une

  1. Maurice Desombiaux : La Résistance de la Belgique envahie.