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bâtimens, — batteries flottantes, canonnières cuirassées, monitors[1], etc., — peu faits en apparence pour tenir la mer et qui inspirent toujours des craintes assez vives quand on se risque à les expédier au loin, finissent toujours par arriver à bon port. La remarque n’est pas inutile et j’en attribue le bénéfice, d’avance, aux « radeaux armés, » qui d’ailleurs n’auraient pas un long trajet à faire. Mais il s’en faut bien que ces derniers bâtimens constituent toute la flotte de siège dont il convient de se précautionner lorsqu’on entreprend de sérieuses opérations côtières. Fournir des feux courbes qui atteignent pièces et servans derrière leurs parapets, qui enfoncent les toitures blindées des magasins et poudrières ou percent les casemates, cela est essentiel, en effet. Des feux directs, cependant, sont utiles en bien des circonstances. Je sais des batteries de côte dont le tir serait paralysé en peu d’instans rien que par les projections de sable provoquées par les obus éclatant en avant de leurs glacis. Dans certains cas, les coups longs donneront des « éclats en retour » d’un effet très appréciable. Quant aux coups « au but, » ceux qui atteignent la crête des parapets, ils sont souvent décisifs, s’ils sont malheureusement rares.

On ne laissera donc pas d’employer à l’attaque méthodique des ouvrages de côte d’un littoral privé de l’énorme avantage du « commandement » sur la mer, les bâtimens de surface ordinaires, armés de canons longs à trajectoires tendues. Et comme on choisira pour cette attaque des circonstances de temps et de mer favorables à la précision du tir, comme ces bâtimens jouiront des bénéfices de la mobilité, en même temps que de la facilité relative du repérage d’un but fixe, — qui sera, au demeurant, survolé par des avions de réglage, — il est certain que les coups directs ou « fichans » seconderont très heureusement les coups « plongeans. »

Vais-je donc m’élever contre la formule que je citais tout à l’heure et « prendre la responsabilité « de conseiller la mise en action des dreadnoughts contre les ouvrages de côte ? Bien sincèrement, je suis convaincu que dans les cas d’espèce qui sont, en ce moment, à l’arrière-plan de mon argumentation, cette témérité pourrait être permise. Mais elle est inutile. Les Alliés de l’Ouest ont encore, malgré des pertes récentes qu’il

  1. Un des premiers navires de ce type, acheté aux Américains au commencement de 1870, l’Onondaga, se tira fort bien de la traversée de Newport à Brest.