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bénéficier de cet essor et que cette partie si importante de notre production n’eût pas dû être plus négligée que celle des automobiles ou du matériel roulant des chemins de fer. Qu’a-t-on fait à cet égard ? Que pouvait-on faire ? Il me reste à répondre à ces deux questions, mais on comprendra que je le fasse avec toute la circonspection que comporte un pareil sujet. Il m’est tout particulièrement pénible de mettre en parallèle notre activité avec celle de l’Allemagne. Si je m’y essaye, c’est que j’ai la conscience de servir les intérêts généraux du pays. Celui-ci a besoin de connaître la situation telle qu’elle se présente exactement, pour mesurer à cet examen toute l’étendue des efforts à accomplir. L’histoire prouve que la France gagne à être instruite de ses lacunes, car elle est aussi prompte à les combler qu’elle est imprudente à les laisser se produire. D’ailleurs, il ne s’agit pas de critiquer l’œuvre d’ensemble qui est admirable, mais de réclamer seulement pour notre marine marchande une meilleure répartition du travail.

Le Comité des armateurs de France ne s’est pas fait faute d’appeler l’attention des autorités sur la gravité de la situation. Il a suivi, avec une anxiété croissante, les mesures auxquelles ont eu recours la plupart des pays maritimes en vue de favoriser l’expansion économique nationale. Seule, la France a été contrainte de demeurer à peu près inactive. Il semble que, jusqu’ici, elle ait assisté presque indifférente à la destruction lente et méthodique de sa flotte marchande.

Les unités disparues n’ont pas été remplacées dans une assez large mesure. Pourquoi ? Tout d’abord, il n’est plus possible d’acquérir du tonnage à l’étranger, la plupart des nations ayant interdit, non seulement le transfert du pavillon, mais même la vente des navires. Au surplus, la valeur des unités a atteint des prix insoupçonnés. La tonne de cargo, qui valait en temps normal de 200 à 250 francs, est montée à 1 000 et 1 200 francs. A des prix aussi exceptionnels devraient correspondre des amortissemens équivalens. En effet, cette plus-value n’est que momentanée. Après la guerre, l’entrée en ligne de la flotte commerciale de nos ennemis et des navires alliés saisis ou bloqués, la libération des innombrables unités actuellement retenues pour les besoins des armées entraîneront un fléchissement des cours des frets et des taux d’affrètement ; parallèlement, la valeur des navires s’abaissera pour se rapprocher du