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inspire à presque tous les marins. On a déjà fait, depuis quelques mois que ces questions s’agitent, une dépense étonnante de raisonnemens, pour prouver au public que, dans les conditions actuelles de la guerre maritime, en présence des sous-marins et des mines, il fallait absolument renoncer à attaquer un littoral bien défendu, surtout quand ce littoral est quasiment inabordable, se défendant lui-même par ses bancs de sable et de vase, comme c’est le cas pour la côte allemande de la mer du Nord.

On ajoute que « c’est folie » de compromettre dans de telles entreprises des bâtimens de haute mer extrêmement coûteux, qui n’ont pas été conçus pour courir les risques de la guerre sous-marine, ce qui est d’ailleurs fait pour surprendre.

On observe encore que, commettre une telle faute, ce serait tout justement faire le jeu de l’ennemi. Bernhardi n’a-t-il pas prononcé en dernier ressort, comme il convient à un stratège allemand, sur cette intéressante question ? N’a-t-il pas dit que l’Etat-major de Berlin comptait sur les inévitables résultats d’une imprudence de ce genre pour diminuer l’écart numérique qui existe entre la flotte allemande et la flotte anglaise ? L’amiral Breusing nous avait déjà tenu le même langage, dans une conférence à Baie, au printemps de 1914, en parlant des opérations immédiates des flottilles de Hochsee torpedoboote. Il est curieux, en tout cas, que depuis trente mois que se développe sous nos yeux, avec des succès variés, le système bien allemand de la « manœuvre morale, » personne ne se soit avisé que de telles allégations avaient pour nos adversaires, — du moment que nous les acceptions avec notre habituelle naïveté, — le très sérieux avantage de les mettre à l’abri, sans coup férir, d’opérations qui les gêneraient fort, ne fût-ce qu’en les obligeant à garnir d’une manière continue leur front de mer. On a d’ailleurs particularisé, chez les Alités, en ce qui concerne les périls de l’aventure côtière pour les grandes unités de combat : « Je ne prendrai jamais la responsabilité d’engager un dreadnought contre une batterie de côte, » a dit un homme d’Etat anglais qui a joué un grand rôle dans la direction générale des opérations navales.

Et, pour finir, n’a-t-on pas fait valoir certains précédens fâcheux empruntés à cette grande guerre ? Un personnage militaire de premier plan n’a-t-il pas, affirme-t-on, laissé tomber de