Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/486

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suite de la reprise soudaine des relations normales entre l’Europe et les pays d’outre-mer. L’interruption des communications entre la France et ses colonies a laissé en souffrance une foule d’intérêts auxquels il y aura lieu de pourvoir. Des marchandises de transit se sont accumulées partout, faute de bâtimens pour les charger ; des sources d’approvisionnemens se sont taries pour le même motif. En France, certaines industries ont dû se consacrer aux travaux de la Défense nationale. Que la paix survienne ! De toutes parts, les frets seront recherchés, afin de dégager les ports congestionnés par la paralysie des organes de transport ; les mines, les établissemens de colonisation se lanceront dans une exploitation intensive, sous la poussée stimulante de la cherté des prix. Enfin, la France, soucieuse de panser ses blessures économiques, aura à cœur de rétablir le cours du change en s’armant pour l’exportation. Le trafic des passagers, gêné par la menace des pirates teutons, reprendra avec une activité toute particulière. Peut-être serons-nous même obligés d’assurer un va-et-vient d’émigration entre la métropole et les colonies, afin de compenser par l’emploi de la main-d’œuvre indigène les vides creusés par les batailles dans les rangs des travailleurs français.

Il y aura de beaux jours pour la marine marchande dans un monde délivré de l’oppression germanique, et qui n’aspirera qu’aux joies réconfortantes de la lutte des idées et des capitaux. Mais plus les besoins seront grands, plus âpre sera la concurrence. Là, comme dans toutes les branches industrielles, et peut-être plus qu’ailleurs, nous subirons les lois inéluctables de l’offre et de la demande.

Nous avons vu, en raison des circonstances que nous venons d’exposer, combien la « demande » de fret sera ardente. Quelle sera l’« offre » que, sous forme de tonnage disponible, les marines marchandes des différens pays pourront jeter sur le marché ? Cette guerre dévastatrice aura détruit des vies humaines et englouti d’incalculables richesses. À cet égard, la flotte marchande aura payé un bien lourd tribut à la sauvagerie austro-allemande.

Aux premiers jours des hostilités, la flotte mondiale jaugeait au total 48 millions de tonneaux, dans lesquels la torpille et le canon ont creusé des brèches profondes. — À ce propos, nous nous excusons d’être contraint, pour la nécessité