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du grand marin anglais qui engagea ses vaisseaux en bois, dans la passe étroite du Kônge dyb, contre d’énormes pontons armés et des ouvrages en maçonnerie épaisse. On ne vit jamais si bien quelle est la supériorité de l’homme d’action, audacieux et ferme à la fois, sur les raisonneurs timorés, sur « les gens de sens rassis… »

En 1855, c’est un autre spectacle et non moins instructif qui se présente à nos yeux. Les (lottes en bois se sont décidément montrées impuissantes, non pas, remarquons-le, contre les ouvrages de Bomarsund qui sont à peu près à la hauteur des vaisseaux, mais contre ceux de Sébastopol qui les dominent. Il existe à cette époque, en France, des marins qui ne renoncent pas h’ montrer à la côte quelle est la puissance de la mer quand l’homme sait se servir d’elle ; il y a aussi un grand ingénieur, Dupuy de Lôme, qui sait les comprendre et servir leurs fermes desseins ; il y a enfin, sachons le dire, parce que c’est la vérité, un souverain intelligent, actif et en pleine possession d’une fermeté de caractère qui lui fera défaut quelques années plus tard. Ce souverain a dit : « Je veux… » Et le 17 octobre 1855, les premières batteries flottantes cuirassées, amenées comme par miracle dans la Mer-Noire, réduisent, avec l’aide des bombardes anglaises et des canonnières des deux nations, la forteresse maritime de Kinburn qui barre, sur sa longue presqu’île de sable, le liman du Dnieper. Je regrette de ne pouvoir étudier en détail cette remarquable expédition parce qu’elle montre ce qu’on peut faire justement contre une côte basse, sablonneuse, semée de bancs et d’ailleurs parfaitement défendue.

C’est au moment où, onze ans plus tard, il poursuivait l’attaque de la forteresse insulaire de Lissa, que Persano voit s’élever derrière son escadre, sur l’horizon du Nord, les fumées des frégates de Tegetthoff ; mais si la bataille du 20 juillet 1866 n’eut pas de répercussion marquée sur le résultat de la lutte engagée alors entre l’Autriche et la Prusse, soutenue par l’Italie, il n’en avait pas été de même, dans la grande guerre américaine, des combats soutenus par la marine fédérale contre les places maritimes du Mississipi et de l’Atlantique, Port Hudson, Wicksburg, Charleston, Mobile. Tous les historiens s’accordent à reconnaître que c’est à l’énergie indomptable des Ferragut et des Porter que l’Union dut de mener à bonne lin, dans la