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à l’autre, portant les remèdes… Un docteur passe, en halatt, manches retroussées : j’ai l’agréable surprise de reconnaître en lui le docteur Stoïko, attaché l’hiver dernier comme chirurgien au train de la grande-duchesse Olga-AIexandrovna, et qui fut l’un des élus appelés à manger le chachelik des officiers sur le front de Galicie[1].

Epuisée la joie de notre rencontre et de nos souvenirs communs, le docteur veut me faire les honneurs de son hôpital, dont il est très fier.

— Plus qu’un petit pansement à faire* Attendez-moi. Je reviens.

En effet, l’absence est courte : juste le temps de jeter un coup d’œil sur la flore stylisée aux nuances délicates qui orne les murs du vestibule, des corridors et du salon dans lequel on m’a introduite. Maintenant, nous voici dans les chambres aux meubles clairs, où chaque blessé peut se croire en villégiature dans quelque élégante et confortable villa modern-style.

— Il y a bien par-là, avoue le docteur, une salle d’opérations et deux salles de pansemens pour rompre cette douce illusion, mais nous faisons tout ce qui dépend de nous afin de rendre la nécessité d’y passer moins pénible.

En même temps, le docteur ouvre les portes, me fait remarquer le système de tuyaux qui court autour de la salle d’opérations et permet, par des jets de vapeur, d’obtenir chaque fois une stérilisation parfaite. Tout un côté de la salle forme vitrail : la belle lumière de cette matinée de juin fait étinceler les armoires de verre, le métal des appareils, et donne aux menus instrumens de chirurgie, pinces, ciseaux, lancettes, l’apparence d’objets élégans sortis de la trousse de toilette d’une jolie femme… L’opérateur et ses aides immédiats ont seuls accès dans la salle. Le matériel nécessaire est préparé dans une pièce contiguë et passé à travers un guichet au fur et à mesure des besoins.

— Vous n’imaginez pas, me dit le docteur Stoïko, quelles cures merveilleuses nous obtenons ici. Le soleil de la Crimée est un médecin incomparable. J’ai vu revenir à la vie des malades dont on n’osait plus espérer la guérison dans nos pays du Nord. Quant à nos opérés, leur convalescence est sensiblement

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1916.