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destruction des navires de guerre, avec l’arrière-pensée de faire agir directement la flotte de haut bord allemande contre le Grand fleet britannique aussitôt qu’une succession d’heureux torpillages aurait sensiblement diminué l’écart numérique existant entre les deux forces navales ?…

Ce fut, en effet, la première idée. Peut-être s’y serait-on définitivement arrêté, en dépit de graves difficultés d’exécution[1] si, au bout de quelques mois de guerre, l’efficacité ne se fût déjà fait sentir du blocus, — blocus « lointain, » relativement effectif, toutefois, grâce à la position si favorable de l’archipel anglais par rapport aux côtes de l’Empire, — auquel s’était résolu le gouvernement britannique. Les difficultés de réapprovisionnement auxquelles il fallut faire face chez nos adversaires, malgré la complaisance des neutres du Nord, dès le début de l’Jin, allaient leur donner la pensée de rendre à l’Angleterre blocus pour blocus en utilisant pour cette méthode de guerre les navires de plongée, dont on pousserait très activement la construction. Ceux-ci trouveraient assurément plus facile de torpiller ou canonner sur les routes maritimes les innombrables cargo-boats de « l’infâme tueuse d’enfans » que de pénétrer dans les rades bien barrées où elle abritait ses dreadnoughts.

Au fond, ni l’empereur allemand, ni l’amiral von Tirpitz ne pouvaient espérer, il y a deux ans, qu’ils affameraient l’Angleterre ou seulement qu’ils paralyseraient ses fabriques et ses usines. Il leur aurait fallu pour cela trois ou quatre fois plus de sous-marins qu’ils n’en avaient alors. Aussi semblent-ils n’avoir voulu produire à cette époque que des effets d’intimidation. C’est là, sans doute, l’origine des ordres impitoyables qui amenèrent la destruction de paquebots comme la Lusitania.

Mais peu à peu les choses changèrent d’aspect pour nos ennemis. D’abord leurs sous-marins « se couvraient de gloire, » une gloire peu enviable, le plus souvent, mais à la qualité de laquelle des disciples de Bernhardi n’entendaient pas regarder de près. Poussant leurs sournoises randonnées jusque dans la Méditerranée où, déjà, ceux d’Autriche faisaient fort bien, les

  1. On n’avait pas résolu encore, on n’a peut-être pas résolu à l’heure actuelle le problème du sous-marin coupe-filet. Certains renseignemens donnent toutefois ce type comme existant déjà chez nos adversaires.