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maison. Vainement ils invoquent les lois de la guerre. Vainement un soldat allemand intervient auprès d’un officier, qui le repousse de la main, d’un geste dur. Le feu d’un peloton d’exécution, disposé sur deux rangs, à cinq pas des victimes, répond à ces cris de détresse, Palayer, qui se trouve à l’extrémité de cet alignement funèbre, ayant eu la chance de n’être pas touché, se laisse tomber sur le côté gauche, fait le mort, se cache derrière un portail, et peut ainsi, après le départ des bourreaux, escalader une échelle qui mène à un fenil, où il restera caché dans le foin, pendant plusieurs jours, vivant d’un paquet d’oignons, et se dérobant, par un nouveau miracle, aux investigations d’un Boche, qui vient, à plusieurs reprises, piquer de sa baïonnette le foin et la paille du fenil. D’autres fantassins du pauvre 99e, notamment Joseph Blanc, François Reynard, Maximin Grand, Marius-Vincent Dufaud, ont pu se réfugier dans une cave, d’où ils furent délivrés lors de la rentrée des troupes françaises dans la ville de Saint-Dié. Ils ont raconté, sous la foi du serment, leur lamentable aventure et cet horrible carnage, dont il ne restait que sept rescapés.

Le jour même où cet épisode navrant montra, une fois de plus, hélas ! en quel état de détresse peut tomber une troupe qui ne se sent plus dirigée ni commandée, les quinze alpins du passage à niveau trouvaient un chef dans la personne de Roger Allier, sous-lieutenant mitrailleur du 51e bataillon.

A mesure que le brouillard s’élevait au-dessus des vallées ondulées et des croupes rondes, la situation était de plus en plus critique. La fusillade faisait rage. Deux mitrailleuses battaient les abords du passage à niveau. Le caporal Chaumont, chargé de surveiller la situation et d’en rendre compte, aperçut des sections ennemies qui traversaient la rue de la Bolle et se rendaient à la gare. Il avertit son chef.

— Feu à répétition ! s’écria celui-ci, hausse à 250 mètres.

Le tir dut être terrible. Les cris des blessés arrivaient jusqu’aux intrépides défenseurs du passage à niveau.

Mais des forces ennemies, protégées par une mitrailleuse que le sous-lieutenant Allier tint à repérer lui-même, au péril de sa vie, s’avançaient de manière à contourner la position et à prendre à revers cette élite de braves.

Debout, dressant sa haute taille, méprisant la mort, encourageant ses hommes par sa fermeté, sa vaillance et son entrain,