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plus qu’elle ne lisait, car, affirme Raymond, quand on la priait d’épeler ce qu’elle venait de lire, elle en était incapable, connaissant à peine ses lettres[1]. Cette remarque met en lumière la nature de la science de Catherine ; elle était purement intuitive. Quelles qu’en fussent d’ailleurs les sources, Catherine pouvait lire à présent : elle consacrait à la lecture des heures entières. Ses lettres témoignent d’une connaissance approfondie de l’Evangile et des Epitres de saint Paul. L’apôtre mystique et extatique possédait bien le génie propre à l’intéresser ; elle parle volontiers de lui en l’appelant : Il glorioso Pavolo ou Questo innamorato Pavolo. Dans les psaumes, les hymnes et les légendes des saints, son esprit et son cœur trouvaient toujours un aliment nouveau. Elle avait pour certaines prières une prédilection toute spéciale, entre autres pour le verset qui commence chaque heure : « Mon Dieu, venez à mon aide ; Seigneur hâtez-vous de me secourir. »

Mais le Bréviaire était sa lecture préférée : elle y fit connaissance de tous les grands chrétiens déjà morts, des martyrs et des vierges vêtues de blanc qui toutes se tiennent devant le trône de l’Agneau, au-delà du fleuve de la mort : sainte Marguerite, sainte Agnès, sainte Agathe, sainte Lucie… « J’ai trouvé une nouvelle et bien belle lumière, — écrit Catherine dans une de ses lettres, faisant un jeu de mots sur l’analogie qui existe entre « luce » (lumière) et « Lucie, » — c’est cette douce vierge romaine, sainte Lucie, qui nous l’envoie. Nous prierons Magdeleine, aimante et aimable entre toutes, de nous inspirer cette profonde haine de nous-même qu’elle ressentait, et Agnès qui est un agneau (agnello, autre jeu de mots) de mansuétude et d’humilité nous obtiendra ces vertus. Voici donc que Lucie nous donne la lumière, Magdeleine la haine de nous-même et l’amour de Dieu, et Agnès l’huile de l’humilité pour entretenir notre lampe. »

Le souvenir de ses lectures lui revenait à la mémoire durant ses visions qui continuaient toujours. Les visiteurs célestes ne venaient plus seulement la trouver dans la solitude de sa cellule et dans le jardin enténébré sur la terrasse, mais encore

  1. On raconte de même de sainte Hildegarde (1099 1179) qu’elle comprenait l’ensemble de ce qu’elle lisait, mais quelle était incapable d’épeler les mots les plus simples ou d’analyser une phrase quelconque. (Migne, Pair. Lat., CXCVII, col. 104 A, 384 A.)