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LA SYRIE FRANQUE


GESTA DEI PER FRANCOS

« Il n’y a en la mer d’Orient, écrivait au XVe siècle un chroniqueur, mât sinon revêtu des fleurs de lis. »

En fait, et bien avant que les Capitulations signées, en 1535, par François Ier et Soliman, eussent officiellement consacré la situation, le Français était indiscutablement tenu, par tout le Levant, pour le représentant traditionnel de la civilisation chrétienne.

Situation privilégiée : d’où venait-elle ?

Tout d’abord de ce que le « Franc » avait été, pendant deux siècles, le chef de la Croisade : les « Gesta Dei » s’étaient faits « per Francos. »

Mais au XVe, au XVIe siècle surtout, la Croisade était depuis bien longtemps close. Si prestigieux qu’eût été le guerrier, sa conquête s’en était allée par morceaux. Pourquoi son prestige avait-il survécu à sa défaite finale, à sa dépossession totale, au point qu’après deux cents et trois cents ans, les descendans de ses sujets de jadis, — et ceux mêmes de ses vainqueurs, — agréaient le protectorat moral des petits-fils du croisé franc, dominateur éphémère ?

À cette question aucun de nos manuels d’histoire ne répond. De beaux coups d’épée, voilà ce qu’ils racontent. Mais l’épée n’assure de durable influence que si, tel le soc d’une charrue, elle a ouvert le sillon où ont été jetées de fertiles semences. Or si l’on s’en rapporte à nos manuels, il apparaît bien qu’une poignée de féodaux est parvenue à établir, quelques années, d’Antioche à Jérusalem, sur une population vaincue et restée