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Sainte-Vierge, tandis que ses frères étaient les apôtres et les disciples du Maître. Elle s’empressait ainsi continuellement au service de son céleste Epoux : c’était sa voix qui l’appelait ; pour Lui, elle montait et descendait infatigablement l’escalier en courant ; pour Lui, elle préparait les repas à la cuisine, et c’était, Lui, sa mère et ses amis qu’elle servait à table !

Quelque temps s’écoula ainsi, et Catherine ne se rendait toujours pas ; elle était douce, mais inflexible. « Il nous faudra y renoncer, » se disaient entre eux ses frères. Comme il lui était interdit de s’enfermer dans aucune pièce, son père put un jour, sans qu’elle s’en aperçût, la surprendre agenouillée dans la chambre de Stefano, priant avec ferveur… Au-dessus de sa tête planait une blanche colombe qui disparut à l’entrée de Giacomo. Le père se retira songeur, — une colombe blanche au-dessus de la tête de sa fille… était-ce possible ?… et ne devait-il pas croire que cette colombe était le Saint-Esprit lui-même ?

Cependant, Catherine caressait toujours son ancien projet d’imiter sainte Euphrosyne. Déjà elle s’était coupé les cheveux et il ne lui manquait plus que de prendre des habits d’homme, pour s’en aller au loin se faire admettre dans un monastère dominicain. Car les dominicains étaient toujours son idéal, aussi bien maintenant qu’elle avait quinze ans, que lorsqu’elle était une toute petite fille. Une nuit, en rêve, elle vit tous les saints fondateurs d’ordre : saint Benoît, saint Romuald, saint Bernard Tolomei, saint François et plusieurs autres ; mais son regard n’en cherchait qu’un : saint Dominique ! Lui aussi avait les yeux fixés sur Catherine et, s’avançant vers elle, il lui tendit un habit noir et blanc en disant : « Aie confiance, ma fille, ne crains rien, tu porteras un jour cet habit. » Catherine en ressentit une telle joie qu’elle se réveilla aussitôt. L’habit qu’elle venait de voir était celui que portaient à Sienne les sœurs qu’on appelle Mantellate.

Sans nul doute ce songe opéra une révolution dans l’esprit de la jeune fille ; elle abandonna son vague et fantastique projet d’entrer dans un couvent de moines et poursuivit dès lors un but plus accessible, puisque, dans chaque maison à Sienne, il y avait des femmes qui portaient les couleurs de saint Dominique et appartenaient au Tiers-Ordre qu’il avait fondé à l’exemple de saint François ; c’étaient les Mantellate. Sa propre tante, Agnès, veuve de Michèle di Duccio, était Mantellata !