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semelle, ne retirerait pas un mot. Elle n’aurait d’égards à rien ni à personne. Si quelqu’un n’était pas content, elle l’enverrait le dire à l’Angleterre. Cependant, ce n’était pas ce qu’elle-même disait ou faisait dire aux États-Unis; et c’est vraiment parmi ses hommes d’État qu’il faut chercher sinon le « profond politique,  » au moins l’ « hypocrite raffiné. » M. de Stumm, sous-secrétaire d’État à l’office impérial des Affaires étrangères, dûment stylé par son chef M. Zimmermann, et renseigné par une demi-douzaine de « conseillers intimes actuels,  » docteurs, professeurs, Excellences, ou gens très désireux de le devenir, découvrait, le 10 février, « qu’il existe entre la Prusse et l’Amérique le traité du 11 juillet 1799, demeuré valable pour l’Empire. Aux termes de ce traité, les négocians américains en Allemagne et les négocians allemands en Amérique peuvent demeurer, en cas de guerre, encore neuf mois dans le pays ; ils peuvent faire rentrer leurs créances et liquider leurs affaires. En outre, il leur sera permis de quitter le pays sans être empêchés d’emporter avec eux toute leur fortune, sans être gênés ni molestés. Ce qui est valable en temps de guerre est naturellement valable à plus forte raison pour le cas de la rupture des relations diplomatiques qui a eu lieu, à notre regret, entre l’Amérique et nous, sans que l’Allemagne en ait donné le motif, car nous n’avons pas violé nos promesses., etc. » Le surplus est du plaidoyer, et c’est la perpétuelle rengaine; mais admirons, comme il convient, cette argumentation spécifiquement allemande, mélange d’astuce et de pédanterie ; l’exhumation faite à point, de ce vieux traité de 1799 et l’utilité immédiate que l’on en tire. Aussitôt, toutes les Universités, tous les « séminaires » historiques, tous les bureaux d’érudition se sont lancés sur cette piste, et, de découverte en découverte, on a fini par établir que ce bienheureux traité avait été « préparé par les pères de la République américaine et par le roi-philosophe; » que ce serait donc une impiété de considérer comme aboli ou périmé ce monument d’une suprême sagesse.

Eh! quoi, en 1799, un traité « préparé par le roi-philosophe,  » mort treize années auparavant, en août 1786 ? Cela valait la peine de recourir au texte; et, comme on va le voir, il était utile d’y regarder. En effet, le préambule du « Traité d’amitié et de commerce entre la Prusse et les États-Unis d’Amérique, conclu à Berlin le 11 juillet 1799 » et signé par le comte Charles de Finkenstein, le baron Philippe d’Alvensleben, le comte Henri Kurd de Haugwitz, d’une part, et, de l’autre, par John Quincy Adams, porte bien : « Sa Majesté le roi de Prusse et les États-Unis d’Amérique, désirant maintenir sur un pied