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engagent à en aimer les grâces au dehors, l’étrangeté plus au fond.

Tito Bassi, un symbole ? Tito Bassi est un garçon qui se rêve une destinée, qui en accomplit une autre. Il est aux prises, lui chétif, et tout sublime qu’il se veuille, avec les hasards. Les hasards ne sont, à l’égard de Tito, que des coïncidences. Mais si, dans la rencontre de Tito et des hasards, les hasards n’en savent rien, Tito médite ; et la méditation de Tito suffit à donner une âme au destin. La présence d’une âme fait, de la réalité apparente, un symbole ou, si l’on veut, une rêverie.

Les romans de M. de Régnier sont ainsi des rêveries, qui se posent sur la réalité, non sur toute réalité : il la choisit belle et amusante. « Il y a là des épées et des miroirs, des bijoux, des robes, des coupes de cristal et des lampes… » et des paysages d’Italie, et les monumens les plus parfaits de l’architecture, un luxe délicat, la plus élégante habitude. Aucune vulgarité n’est admise. Le crime n’est pas refusé ; mais il faut que sa pittoresque désinvolture compense le tort qu’il fait à l’ordre calme des événemens. Dans les Amans singuliers, le sang coule par trois fois, « de la gorge des deux Corcorone, du flanc de Balthazar Aldramin et du crâne défoncé, sous sa perruque grise, de ce bon M. de La Thomassière ; » pour ce recueil de trois contes gaîment tragiques, l’auteur du Trèfle noir, et qui a intitulé le Trèfle blanc les pages de ses souvenirs enfantins, imagine le nom du Trèfle rouge. Et les propos, dans tous ses romans, admettent la vivacité du mot, sa verdeur ; mais ce n’est point, de ses personnages, façon canaille : c’est gaillardise et rehaussée de quelque cynisme ou fière loyauté. Si les choses vont un peu loin de ce côté-là, M. de Régnier les autorise d’une ligne qu’il emprunte à Mme de Maintenon, prudente personne, et qui écrivait : « Un peu de crapule se pardonne en ce temps-c !… » Quel temps ? Celui de Mme de Maintenon, qui est aussi celui du roman que couvre cette épigraphe, Le bon plaisir. Quel temps encore ? Le nôtre. Et la similitude ainsi proposée nous invite à nous rappeler qu’une certaine liberté du langage, mais surveillée, n’est pas d’hier et est le ton de qui, chez nous, parle franc.

M. de Régnier a demandé à maints pays et à maintes époques, à l’Italie surtout, mais une fois à l’Orient et à la Chine, et à la Renaissance italienne, et au Grand siècle et au plus doux des siècles, longtemps le plus doux, le XVIIIe, le décor et les héros de ses récits. Du reste, il ne se flatte d’être, quant à la Chine, un voyageur, ni jamais un archéologue, ni aucunement un archiviste. Il s’accusait, en accueillant à l’Académie M. Pierre de La Gorce, de n’avoir consulté