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hauteurs lointaines de Chianti ! C’est ici, vis-à-vis de cette perspective, que saint Ansano fut plongé dans l’horrible bain de poix bouillante. Une plaque de marbre, scellée dans le mur, en fait foi. Le marbre et l’inscription latine n’étaient point là, le soir où Catherine et Stefano y passèrent, mais le souvenir y était bien : la tradition, la pensée qu’en ce lieu un homme s’était laissé précipiter dans une chaudière brûlante plutôt que de renier Jésus. Combien ce Jésus doit-il être aimable, pour que l’on supporte, pour l’amour de Lui, un aussi effroyable supplice !

Le chemin continue vers la paisible via di Vallepiatta, en côtoyant les murs rouges du vieux couvent des Jésuites, Saint-Sébastien. Ce monastère, assez ancien, est néanmoins postérieur à Catherine ; il fut construit pour la première fois en 1363 ou 1364, sur l’emplacement de l’une des portes de la ville, Porta San Ansano[1]. Un patronage catholique s’y réunit actuellement. Par une porte entr’ouverte, on aperçoit un jardin avec des rangées de citronniers dans de grands pots de terre cuite rouge, et une profusion de lauriers aux corolles de pourpre, semblables à mille sanglantes blessures…

Ici le chemin aboutit à il costone, un large escalier, assez raide, aux marches de briques ; et, à l’endroit précis où l’on tourne une seconde fois pour atteindre Fontebranda, on découvre une vieille fresque encadrée dans la pierre et sous la fresque cette inscription : « Tandis que sainte Catherine Benincasa, âgée de six ans seulement, rentrait chez elle avec son frère, le Christ lui apparut au-dessus de l’église des Dominicains, de l’autre côté de la vallée, sous l’apparence de son représentant terrestre, entouré des saints apôtres Pierre, Paul et Jean, et Il lui donna sa bénédiction. » En regardant avec beaucoup d’attention, on peut encore distinguer deux figures sur la fresque : l’une agenouillée, les mains étendues dans l’attitude de la prière : c’est Catherine ; l’autre, un jeune garçon debout : c’est son frère Stefano[2]

Ici s’arrêta Catherine ce soir-là, ici je m’arrête également

  1. G. Pardi, Della vita e degli scritti di Giov. Colombini, Sienne, 1895, p. 28.
  2. La fresque murale de Saint-Sébastien fut peinte par Nasini en l’an 1700, restaurée en 1850 par Maffei. Une autre tradition locale situe cette vision au Ponte di Diacceto, d’où l’on a également vue sur San Domenico.