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précipitamment dans les caves, nos malades ont pu voir chaque prêtre-soldat garder son sang-froid, redoubler de prévenances, circuler d’une salle à l’autre, d’un lit à l’autre, s’appliquant à semer partout quelques bonnes pensées, des sentimens de repentir, des encouragemens en face du danger. Nos malades ne s’y sont pas trompés ; il aurait fallu voir vers qui se tendaient les mains au moment de l’évacuation générale. » Et quant aux brancardiers dont la fonction, à la voir de près, est si dure, si émouvante et si périlleuse, qui ne souscrirait à ces lignes de l’un d’eux : « Nous sommes heureux de nous entendre dire par ces braves eux-mêmes qu’ils préfèrent leur besogne à la nôtre. C’est une parole qui nous venge amplement des sarcasmes des esprits mal faits, qui ne voient partout que des embusqués, embusqués eux-mêmes le plus souvent, et simples spectateurs des événemens ! » Quand on a lu certaines lettres, il est impossible de penser que les prêtres brancardiers sont de « simples spectateurs des événemens ! »

C’est que le prêtre, qu’il combatte, qu’il relève ou qu’il soigne, — ce qu’il fait, en toute occasion, avec une ardeur, une conscience admirables, — est avant tout une grande force morale. Son rôle de soldat fini, sa mission de prêtre commence, et les deux fonctions, bien loin de se nuire l’une à l’autre, se complètent, se renforcent l’une l’autre. C’est ce qu’explique excellemment un prêtre sous-lieutenant, l’abbé Joseph Guérin qui ne rêvait que « de mourir en prêtre-soldat, par un beau soleil, au milieu des fleurs du printemps : »


Avant tout ici, écrivait-il, le prêtre est le ministre des sacremens… Voilà pourquoi on s’arrache le prêtre ici… Le prêtre, en effet, c’est la sécurité religieuse pour le bataillon auquel il appartient… L’incroyant lui-même est bien obligé de tenir compte, dans une guerre comme celle-ci, de la valeur des forces morales… L’apostolat de la joie, de la gaieté, c’est ici l’apostolat par excellence. Le prêtre à la guerre est forcément une réserve de joie et d’entrain. Toujours prêt à donner sa vie, qu’il a offerte une fois pour toutes le jour de son sous-diaconat, le prêtre peut vivre dans le plus grand calme à la guerre. Nous ne pouvons pas, nous prêtres, avoir peur de la mort, et notre calme est contagieux.


On notera que ce très beau programme n’est pas un programme théorique, mais qu’il est au contraire le fruit d’une expérience directe et personnelle, — et qu’il a été comme consacré par la mort de celui qui l’a spontanément rédigé ; Et