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nous avons tous passé par les plus cruelles alternatives d’espérance et d’inquiétude, n’a jamais cessé de motiver cet acte de loi dans les destinées de la patrie et d’être l’interprète du sentiment national, en adressant à nos soldats le témoignage public d’une confiance qui s’accroît avec les difficultés d’une tâche que la vertu française saura mener, sans défaillance, jusqu’au bout. Aux défenseurs de Verdun l’Académie a envoyé l’hommage d’une admiration, qu’elle partage avec tous les Français, avec tous nos alliés. Elle conserve avec fierté, dans ses archives, la belle réponse de leur chef, le général Nivelle, aujourd’hui commandant en chef des armées françaises sur le front d’Occident.


II. — CONCOURS LITTÉRAIRES ET PRIX DE VERTU

Il faut que les Lettres françaises préparent dès maintenant l’œuvre des historiens futurs et les jugemens de l’équitable postérité. Elles étaient directement menacées, dans leur domaine idéal, par une agression qui, en s’attaquant aux monumens de notre art, aux souvenirs de notre passé, aux promesses de notre avenir, voulait, en définitive, tuer l’âme de la France. Cette âme sortira renouvelée, rajeunie, de la grande épreuve. « Les pensées s’élèvent, les églises s’emplissent, la grande voix des poètes est écoutée ; on a besoin d’idéal : les uns le cherchent au ciel et les autres sur la terre, et tous le rencontrent dans l’amour de la patrie. Quelle France nouvelle tout cela nous prépare ! N’écoulons pas ceux qui prétendent que rien ne sera changé après[1]. »

Ce qui sera changé d’abord, c’est le goût du public. Il n’y a pas d’exemple qu’après un tel bouleversement la sensibilité d’un peuple n’ait pas été modifiée. Rome, au temps de Claudien et de saint Paulin de Nole, Rome, attaquée par Alaric, insultée par les Vandales, réveillée brusquement par l’imminence d’un péril qu’elle n’avait pas suffisamment prévu, quitta ses habitudes païennes, et l’on vit une société longtemps livrée aux dissipations et aux plaisirs futiles chercher dans la spiritualité du christianisme une consolation austère et douce. Ne doutons pas du renouveau qui déjà nous annonce la splendeur des moissons prochaines, et qui bientôt nous vengera des

  1. Maurice Donnay, Rapport sur les prix de vertu.