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revenir et 16 jours à décharger à Savone, le fret revenait à 20 francs la tonne seulement, assurances, taxes, intérêts, et amortissement du capital compris, pour ce voyage accompli pourtant dans les conditions les plus défectueuses.

L’encombrement de Gênes avait déterminé le débarquement à Savone, où la durée invraisemblable de 16 jours pour le déchargement tenait à ce que les débardeurs de ce port avaient défendu que l’on fit usage des grues à vapeur, maintenues en conséquence inactives et sous scellés ; ils sont aujourd’hui devenus plus raisonnables et trois jours suffisent pour ce travail. N’empêche que l’écart de 20 à 150 francs représentait le bénéfice de l’armateur, le plus souvent anglais. Le gouvernement britannique qui, par l’impôt, prenait part à ce bénéfice, est depuis lors intervenu sur les très justes réclamations de notre commune alliée, pour mettre à sa disposition des steamers réquisitionnés en quantité suffisants.

La houille, de 30 à 35 francs la tonne, était montée pendant quelque temps à Gènes jusqu’à 210 et 220 francs. Il vint, en avril, dans la Méditerranée, des navires américains chargés de charbon de Virginie. Le charbon de bois, dont l’Italie du Nord se fournissait en Slavonie et Dalmatie, et le bois de chauffage ; qui n’augmentèrent qu’en de faibles proportions, ne pouvaient remplacer la houille en ses multiples usages, et, par exemple, le gaz manqua dans les petites villes et beaucoup de compagnies firent faillite. Maintenant le charbon coûte à Milan, à Florence ou à Rome le même prix qu’à Paris, grâce à la centralisation des achats par les chemins de fer de l’Etat, qui le distribuent dans les principales villes, en même temps que le fer, le blé ou la viande frigorifiée.

Le fret et le change avaient fait hausser le blé de 25 à 49 francs le quintal, malgré la suppression, en février 1915, du droit d’entrée de 7 fr. 50. A l’heure actuelle, le pain de froment coûte 51 centimes le kilo à Rome et 54 centimes à Milan, où le peuple se contente de « pain de mouture » à 50 centimes. Pour prévenir la spéculation, le gouvernement a prescrit le recensement des grains et la déclaration obligatoire des ventes ; les municipalités de plusieurs grands centres instituèrent des greniers publics et, pour alimenter le sien, Milan n’hésita pas à louer à l’année, sur le pied de 7 000 livres sterling par mois, un cargo anglais qui lui apporta du blé de la Nouvelle-Orléans