Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/853

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

causes du conflit européen et ne discutait pas les responsabilités.

Certains journaux de l’Entente, déconcertés par un tel langage, prétendirent aussitôt que M. Wilson était le porte-parole des Empires centraux. Coïncidence singulière, dans le même temps les gazettes de l’Europe centrale soutenaient que M. Wilson favorisait l’Entente et faisaient à sa note l’accueil le plus discourtois. Puis les opinions s’apaisèrent, peu à peu, chez nous et chez l’ennemi ; mais on restait hésitant sur l’interprétation de la pensée de M. Wilson. Il employait dans sa note des expressions abstraites dont certaines n’avaient peut-être pas le sens qu’on leur attribuait ; chacun y voyait trop facilement ce qu’il voulait y voir. Au vrai, personne ne semblait la comprendre pleinement.

Cependant les Empires centraux envoyaient à M. Wilson leurs réponses incolores. L’Entente lui adressait la sienne ; elle y définissait ses buts de guerre avec toute la précision souhaitable et marquait amicalement son étonnement que M. Wilson n’eût pas su ou voulu discerner le juste de l’injuste dans le conflit européen. C’est alors que parut le message au Sénat américain. La lecture de ce document réservait de nouvelles surprises ; M. Wilson y mentionnait bien les réponses européennes ; celle de l’Entente était même l’objet d’une appréciation flatteuse pour sa précision ; mais l’auteur du message ne portait aucun jugement sur les buts de guerre qui lui avaient été soumis, pourtant, sur sa propre demande ; il ne répondait pas davantage à l’invite que lui avait adressée l’Entente de se prononcer entre les belligérans. En revanche, il énumérait les conditions, indispensables selon lui, à l’établissement d’une paix durable.

Une telle paix ne pourrait exister, disait-il en substance, que si, la guerre terminée, — et, thèse surprenante, terminée sans victoire, — les nations voulaient bien s’unir entre elles. Les États-Unis favoriseraient cette union ; mais il leur importait de savoir si leur collaboration à l’œuvre pacifique serait rendue possible par l’état d’esprit des belligérans. Admettraient-ils certains principes que M. Wilson tient pour indispensables au maintien de la paix ? Telle semblait être la question primordiale. M. Wilson déclarait d’ailleurs qu’il n’interviendrait pas pour faire adopter ces principes si les nations européennes n’y adhéraient spontanément ; il respecterait, quelles qu’elles fussent, les clauses du traité de paix conclu entre les belligérans, mais le caractère des clauses de ce traité déterminerait son