Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/770

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porter la guerre sur notre territoire. À ce point de vue, le but stratégique ne fut pas atteint.

Reportons-nous vers le côté allemand.

Le grand Etat-major allemand lançait ses armées en ordre massif à travers la Belgique de façon à arriver, selon les conseils de Schlieffen, « à la fois par tous les réseaux routiers » au point de concentration où devait se livrer la bataille générale. Ce qui importait par-dessus tout, c’était que ce mouvement ne fût interrompu nulle part et que les armées prissent, en quelque sorte, le pas de parade pour accomplir coude à coude la magnifique évolution.

Or, voici ce qui se produit. La résistance de Liège et de l’armée belge laisse à notre 5e armée le temps d’arriver sur la Sambre avec tous les élémens dont on peut la renforcer. Von Klück se trouve donc avoir à combattre cette puissante formation jetée à l’improviste hors de nos frontières et il la rencontrera plus au Nord qu’il ne le pensait peut-être. Cependant, ce mouvement de l’armée Lanrezac crée un vide sur le front français entre Givet et Namur, c’est-à-dire entre notre 4e armée et notre 5earmée. L’État-major allemand conçoit le projet subsidiaire de profiter de ce vide pour obtenir un premier succès.

De même que l’armée Langle de Cary était en réserve pour appuyer le mouvement des armées de choc vers le Nord, une armée allemande était en réserve pour appuyer le mouvement des armées de choc vers le Sud : c’était l’armée von Hausen. Dès que le commandement allemand s’est rendu compte de la situation, il lance l’armée von Hausen sur le vide existant entre Dinant et Mézières, en vue de crever notre front entre la 4e et la 5e armée.

Alors commence ce mouvement précipité de l’armée saxonne, qui a pour but de s’enfoncer comme un coin dans cette trouée qui menace directement Paris. J’ai comparé l’armée allemande à un fer de lance. Le fer de lance est poussé, de toute sa masse, vers Rocroy, visant la France au cœur. Tandis que von Klück descend du Nord, l’armée von Hausen, entraînant à sa suite l’armée du duc de Wurtemberg et même l’armée du kronprinz, préparera, par son intervention imprévue, la victoire que von Klück n’aura qu’à achever.

Les Allemands aiment les exemples historiques ; leur invention a toujours quelque chose de pédantesque. On peut se