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pressé de réaliser des annexions afin de ne pas laisser à ses successeurs moins de kilomètres carrés qu’il n’en avait reçus de ses ancêtres. Le canon de Solférino eut cependant une répercussion directe sur la politique intérieure de la monarchie des Habsbourg : François-Joseph se crut obligé à des concessions libérales ; il renonça au système absolutiste, renvoya le ministre Bach et entra dans la voie du gouvernement constitutionnel. C’est une grande preuve de l’imprévoyance et de l’aveuglement de François-Joseph que chaque amélioration du sort de ses sujets n’ait été amenée que par une défaite de ses armes. La « charte d’octobre » 1860, qui instituait une diète d’Empire (Reichsrath), et qui pouvait être interprétée comme un premier pas vers une Constitution fédéraliste, et même les « Lettres patentes » de février 1861, qui modifiaient la charte dans un sens absolutiste et centralisateur, étaient avant tout des moyens de se concilier l’opinion publique, non seulement dans la monarchie, mais dans toute l’Allemagne. Pendant toute la première partie de son règne, François-Joseph est obsédé par le souci des affaires allemandes et l’ambition de reprendre la tradition des Césars germaniques, arbitres de l’Allemagne, dominateurs de l’Italie. La perte de la Lombardie n’était pas seulement un amoindrissement territorial dans la péninsule, c’était encore une diminution de prestige en Allemagne que la politique impériale travailla à réparer. L’Empereur comprenait que, depuis Olmütz, un duel était engagé dans chaque capitale allemande entre l’influence de la Prusse et celle de l’Autriche. Le junker prussien qui, vers cette époque, arrivait aux affaires et que n’embarrassaient ni le respect des idoles vieillies ni la crainte des forces déclinantes, avait, à la diète fédérale de Francfort où il représentait le roi Guillaume, pris la mesure de son adversaire : derrière les prétentions orgueilleuses et le formalisme puéril des plénipotentiaires d’Autriche, il avait pénétré la faiblesse réelle d’un empire incapable de se régénérer et dont la force effective n’était pas en rapport avec le passé et les ambitions.

La Prusse avait l’avantage d’une forte cohésion nationale, tandis que, dans les États mêmes de François-Joseph, plusieurs peuples, notamment les Hongrois, ne désiraient pas voir l’Autriche accroître son influence en Allemagne et y triompher de ses rivaux ; ils prévoyaient que leurs aspirations nationales et