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rencontres, se dégagèrent pour le commandement français. Si le mot n’était pas trop ambitieux, nous dirions que nous allons essayer comme une première « philosophie » de ces événemens.

Les armées françaises qui se sont portées dans le Luxembourg belge ont été obligées de renoncer à leur offensive ; elles ont dû reculer et abandonner la défense de la frontière. En revanche, les armées allemandes qui opéraient dans le grand-duché de Luxembourg et le Luxembourg belge ont supporté le choc, puis elles se sont portées en avant, elles ont refoulé les armées françaises, les ont rejetées derrière la Meuse, et ce n’est pour celles-ci que la première étape d’une retraite qui va se généraliser sur tout le front.

De part et d’autre, les sacrifices ont été grands. Mais les armées allemandes sortent de ces journées avec le sentiment de la victoire et la confirmation de leur foi dans leur supériorité et surtout dans la supériorité du commandement. Les armées françaises ont l’impression de la défaite.

Pour les corps qui ont le plus souffert, la question ne se pose pas ; leur perte est sans compensation ; sur eux, dans ces journées douloureuses, un vent de découragement a soufflé. Combien de braves sont morts désespérés, combien de blessés ramassés sur le champ de bataille et emportés soit dans les hôpitaux de l’intérieur, soit comme prisonniers dans les camps allemands, ont eu le sentiment que leur sacrifice avait été vain et que les choses recommençaient « comme en 1870 ! »

Inutile de citer les nombreux témoignages déjà publiés qui révèlent cet état d’âme. Le langage des combattans est âpre et violent, parce que les sentimens ont été sincères et l’émotion profondément douloureuse. L’exagération d’un désespoir trop prompt doit apprendre surtout à ne pas désespérer si vite.

Un des chefs, et non des moins énergiques, dépeint dans ces termes l’état de fatigue des troupes ; on sentira dans son langage la chute soudaine du rêve à la réalité. Le télégramme est daté du 25 : « Après les combats qu’elles viennent de soutenir, les troupes sont épuisées par quatre jours de lutte. Ce qui diminue momentanément la valeur de ces troupes dont le moral serait excellent si elles pouvaient se reprendre en se reposant et en dormant, c’est le manque d’officiers. La plupart des régimens comptent à peine une vingtaine d’officiers. Je crois de