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RAISONS DE L’OFFENSIVE FRANÇAISE DANS LES ARDENNES

Quels sont les desseins du haut commandement français ? Peut-on croire que, quand il masse des forces si nombreuses dans cette région, sa pensée soit uniquement de surveiller les forces allemandes et de protéger une frontière menacée ? Non. La volonté des généraux français, résultant, à défaut de mille autres preuves, du décret publié un an avant la guerre et portant « Règlement de la conduite des grandes unités » est, ici comme partout, de prendre rapidement l’offensive, — ne serait-ce que pour porter la guerre si possible sur le territoire ennemi. Ce qu’on veut, selon les expressions du général Cherfils, c’est « une offensive ardente, résolue, a priori, à la fois dans la bataille et pour aller à la bataille dès l’ouverture des opérations. »

Mais cette offensive devait-elle se porter, d’abord, sur la frontière des Ardennes ? Ce point demande à être éclairci.

Pour une armée française se proposant de pénétrer en Allemagne, tout en respectant la neutralité belge et luxembourgeoise, les débouchés ne sont pas nombreux. Le champ des opérations est forcément limité au front Longwy-Belfort. Mais la Lorraine annexée est couverte par les trois camps retranchés de Thionville-Metz-Strasbourg. En arrière, le Rhin fait barrière et, de toutes façons, il faut franchir le fleuve. Le commandement français ayant Berlin pour objectif suprême, deux alternatives se présentent : ou occuper l’Alsace, se couler le long du Rhin, et franchir le fleuve vers Mayence ; ou suivre la Moselle et franchir le Rhin vers Coblentz ; la première de ces campagnes se heurte à Strasbourg ; la seconde à Thionville et Metz. Des deux côtés, les débuts sont rudes, mais il n’y a pas d’autre voie.

Entre ces deux alternatives le choix du haut commandement français s’était d’abord porté vers la première. La France étant décidée à respecter la neutralité belge et luxembourgeoise, ce projet s’imposait, pour ainsi dire, à lui. Dans ces conditions, la première bataille devait être recherchée, toutes forces réunies, en appuyant au Rhin la droite du dispositif général : et telle fut la conception qui présida, en effet, au début de la campagne.

Ainsi tout s’explique : la manœuvre d’Alsace, la marche