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de renoncement parmi ces prêtres fonctionnaires envahis par la corruption du siècle ; il se heurta à l’opposition de la Couronne et de la bureaucratie. Du moins, quand le pharisaïsme dynastique et gouvernemental lui demanda de condamner le mouvement, catholique dans ses sources et démocratique dans ses méthodes, qui, sous l’action du Père jésuite Abel et sous l’ardente parole du docteur Lueger, allait rénover et transformer dans Vienne la vie religieuse et la vie sociale, le Pape, sur le rapport du nonce Agliardi, refusa. Peu d’années après, quand, en 1900, éclata le mouvement « les von Rom » qui était surtout un mouvement pangermaniste contre les Habsbourg, ce fut dans la Christliche Demokratie de Vienne que la Couronne, menacée en même temps que la foi, trouva son plus solide appui.

On voit, d’après ce que nous venons de dire, quelles pouvaient être les conceptions chrétiennes de François-Joseph. Il n’est pas, comme Joseph II, un roi philosophe ; il est assidu aux grandes cérémonies du culte ; Vienne l’a vu, chaque année, suivre tête nue, avec toute la Cour, la procession de la Fête-Dieu entre deux haies d’une foule dévote et silencieuse dont il était difficile de dire si elle adorait la Majesté de Dieu ou la Majesté de l’Empereur. Au Congrès eucharistique de Vienne, en 1912, participèrent l’Empereur et les membres de la famille impériale et tous les grands corps de l’Etat. François-Joseph se regarde comme le protecteur de la religion, de l’orthodoxie et des droits du clergé ; c’est d’ailleurs à charge de réciprocité. L’accomplissement de ce devoir tutélaire confère à la Couronne des Habsbourg un droit d’ingérence dans l’acte le plus solennel du gouvernement de l’Eglise, l’élection du Pape. Au conclave de 1903, les éminens électeurs entendirent avec stupeur l’un d’entre eux, le cardinal Puzyna, prince-évêque de Cracovie, prononcer contre le cardinal Rampolla « l’exclusive » de François-Joseph. C’était la vengeance de l’Autriche et de l’Allemagne contre Léon XIII. Il n’est pas sûr que François-Joseph, — même après la noble et magnifique protestation du cardinal Rampolla au nom de la liberté du conclave, même après la constitution de Pie X interdisant, sous peine d’excommunication, à un cardinal de se faire, à l’avenir, le porte-parole d’une intervention laïque, — ait compris pourquoi son acte avait soulevé l’universelle réprobation de la conscience catholique : et cela suffit à caractériser