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— Une intervention ! Mais vous n’êtes pas prêts, dit le ministre d’Allemagne à l’Américaine.

— Comment ! pas prêts ? réplique Mme O’Shaughnessy, dont la crête patriotique se redresse aussitôt joliment. Entre le lever et le coucher du soleil, les États-Unis auraient un million d’hommes sous les armes.

— Des hommes peut-être, mais non des soldats. On ne fait pas des soldats entre le lever et le coucher du soleil.

À ces mots, Lindt, énervé, ouvre son cœur. Il émet l’idée (c’est peut-être un des objets de sa mission) de favoriser les progrès des rebelles, en faisant lever l’embargo sur les expéditions d’armes et de munitions au Mexique.

— Oh ! monsieur Lindt, s’écrie Mme O’Shaughnessy, y songez-vous ? Des armes et des munitions aux rebelles, ce serait ouvrir sur ce malheureux pays la boite de Pandore de toutes les calamités.

« En me voyant hors de moi, poursuit-elle, il changea de sujet ; mais je ne réussis plus à chasser de mon esprit ces images sinistres. Toute mesure qui tend à miner ici l’autorité centrale ne peut, en effet, que déchaîner d’autres orages… Ma conviction s’est faite lors de l’écroulement de Diaz et de l’avènement de l’impuissance madériste. Madéro a été, je suppose, plus surpris que personne en voyant qu’après avoir pris tant de peine pour le porter au pouvoir, nous en avons pris si peu pour le maintenir. Les diplomates ne cessent de rappeler que la situation de Diaz, en 1877, était analogue à celle de Huerta aujourd’hui et qu’après un délai plausible d’une dizaine de mois, la Maison-Blanche l’a pourtant reconnu. Alors, pourquoi repousser Huerta ? Lui, du moins, il tient en mains la machinerie si délicate du gouvernement au Mexique, et il a montré qu’il s’entendait à la manœuvre. » Voilà le point qui tient au cœur loyal et à l’esprit sensé de notre Américaine. Elle le développe à vingt reprises. Et il est capital en effet. Le principe, l’explication de toute l’anarchie mexicaine se trouvent là.

Le 11 novembre, arrive un télégramme de Washington. C’est un ultimatum. Il faut la démission de Huerta, ou c’est la rupture avec les États-Unis. Aussitôt, le chargé d’affaires court de tous côtés à travers Mexico pour remettre son ultimatum au Président. Mais Huerta reste introuvable malgré les rendez-vous fixés. Peut-être est-il retenu, comme l’insinue Mme