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à la vénération du peuple les châsses de saint Lazare et de saint Racho.

Tout ravis d’être protégés, les nouveaux élus, loin de s’offusquer de ces ingérences, ne demandent en général qu’à se donner davantage. Beaucoup de prélats, comme Torné à Bourges, ne choisissent leurs vicaires épiscopaux que sur l’avis de l’autorité civile. A Saint-Dié, Maudru soumet les épreuves de ses mandemens au directoire départemental. A Fréjus, la subordination se déguise si peu que l’évêque Rigouard ne public ses lettres pastorales qu’avec le visa du directoire du Var, et sur les conclusions favorables du procureur-syndic. Il arrive aussi que les mandemens eux-mêmes touchent aux obligations civiques autant qu’aux devoirs religieux. Dans la Saône-et-Loire, Gouttes, avec une insistance louable, mais qui est d’un percepteur plutôt que d’un évêque, multiplie les conseils pour le paiement des impôts. Dans le Gers, l’évêque Barthe adresse une exhortation à ses diocésains, afin de les engager à travailler aux routes nécessaires pour le passage des armées.

Je m’excuse de ces détails ; mais ils me paraissent révélateurs. Faveurs ou servitudes, ces évêques, ces prêtres, n’imaginent pas qu’on puisse se passer des unes ou se dégager des autres. En leur esprit nulle idée de deux domaines séparés ou du moins distincts, celui de la société religieuse, celui de la société laïque. La Révolution a plaqué sur eux ses formules ; mais, tout en clamant l’égalité, ils ne comprennent bien que le privilège, et ils ne rejettent la tradition que pour se traîner dans la routine. Une conception les domine : celle de l’Eglise d’État ; seulement, avec la Constitution civile, cette Eglise se restreint à la proportion d’une Eglise nationale ; ce qui, en supprimant le contrepoids d’une suprême puissance spirituelle, étrangère et indépendante, permet à l’Etat de tout ramener à lui. Ainsi apparaissent les membres du nouveau clergé, vrais fonctionnaires du culte, tout soudés à l’autorité séculière, et à tel point qu’on ne se les représente pas hors du cadre tout artificiel qui les assujettit et les étaie. Naïvement, vaniteusement, ils jouissent des faveurs ; et quant à la sujétion, elle leur semble presque douce, puisqu’elle leur permet de faire peser sur les insermentés une sujétion plus grande. Mais déjà ils touchent au terme de leur courte prospérité. Un seul adversaire leur a