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faudrait aller chercher les maximes directrices de la politique de François-Joseph ; à tous les points de vue il a été, lui et son État, un anachronisme, une survivance d’un passé partout ailleurs aboli ou en voie de disparaître. De là ses affinités particulières avec les Hongrois, le plus « ancien régime » de tous les peuples. — Maintenir et accroître sa Maison, c’est, pour François-Joseph, l’impératif catégorique, qu’il ne discute pas, le devoir qui lui est supérieur à lui-même et que Dieu lui a imposé avec les multiples couronnes qui chargent son front. En Autriche-Hongrie, le ministre des Affaires étrangères est, d’abord, ministre de la Maison impériale : il faut voir là un profond symbole et non un vain titre de cour. Ce sont vraiment les intérêts de la Maison impériale, de la dynastie, qui inspirent la politique de la Ballplatz. A un ministre qui lui recommandait un homme comme patriote, François-Joseph fit cette remarque : « Vous me dites qu’il est patriote à l’égard de l’Autriche ; mais l’est-il aussi à mon égard ? » M. Steed définit très exactement la politique des Habsbourg « un opportunisme exalté à la poursuite d’une idée dynastique immuable. »

Pour conserver et accroître sa Maison, pour acquérir plus de terres, le grand moyen d’action, c’est l’armée. Le chef de la Maison de Habsbourg est un soldat ; François-Joseph est toujours en uniforme ; tout dans sa vie révèle la discipline militaire ; même dans l’exercice de son autorité comme chef de sa Maison, il se comporte comme un chef d’armée et ses décisions sont des arrêts de conseil de guerre. François-Joseph n’a jamais cessé de s’occuper avec sollicitude de l’armée qui est vraiment « son » armée, dont il est le chef et qui prête serment à lui seul. Sûr de son armée, l’Empereur a rempli l’essentiel de son devoir : il sait qu’il pourra, s’il en est besoin, dans l’intérêt de la dynastie, sauvegarder ou agrandir son État.

La Maison de Habsbourg, en tant que famille et dynastie, a ses règles et ses lois spéciales ; elle est un État au-dessus de l’État, ou plutôt, représentée par son chef, elle est l’État. Il existe un statut de la famille des Habsbourg-Lorraine qui date de 1839. L’Empereur, chef de la Maison, est maître absolu dans sa famille ; son autorité domestique est sans limites et il en use dans l’intérêt de la dynastie. Nul archiduc ne peut contracter mariage sans son exprès consentement ; son ordre dispose du cœur et de la main des archiduchesses. L’héritier du trône ne