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immanquablement, s’il n’avait été que blessé ; mais elle pouvait être aussi le fait de l’espionnage local qui ne s’était jamais montré plus actif, repérant tous nos mouvemens, coupant nos fils téléphoniques et se glissant en blouse de colporteur, voire en cotteron de pastoure, jusque sous l’auvent des âtres hospitaliers où se séchaient les Jean Gouin[1]. Il fallut modifier l’aménagement du secteur. L’amiral dut songer aussi à refondre le premier régiment, si éprouvé, et envisager dès ce moment la suppression d’un de ses bataillons[2] : le manque de gradés ci d’officiers se faisait de plus en plus sentir et déjà l’on pouvait prévoir le moment où la Marine, très capable encore de nous alimenter en hommes, ne pourrait plus compléter les cadres, trop longs à former et dont elle avait besoin pour ses bateaux.

La nuit du 20 décembre ne fut troublée que par le chuintement des fusées éclairantes dont l’ennemi commençait à régulariser l’emploi ; les deux journées suivantes furent surtout employées par lui en reconnaissances d’avions qui jetèrent des obus sur Woesten et Oostvleteren ; mais le bombardement consécutif à ces reconnaissances nous causa peu de pertes, bien qu’il fût sensible que l’artillerie allemande eût reçu des renforts. On avait dû laisser sur le canal une partie des unités qui devaient être relevées, les chasseurs cyclistes envoyés pour cette relève n’étant pas en nombre et la reprise de l’offensive semblant imminente.

Elle avait été annoncée d’abord pour le 21 au matin. La veille, qui était un dimanche, les hommes en réserve avaient eu l’autorisation d’assister à la messe, dans une ferme du voisinage. Le soir, ils repartaient pour les nouvelles tranchées de la rive droite, organisées vaille que vaille dans la boue d’un champ de betteraves. Le génie n’avait pu fournir les sacs à

  1. « Dans la journée un marchand de papier à cigarettes était passé parmi les cantonnemens et, le soir, les obus pleuvaient sur le village. » (Journal du fusilier Maurice Oury.) — « Cette nuit, étant de faction devant la porte d’une ferme où était enfermé un espion, j’ai failli tirer sur mon ombre que je croyais être mon espion fichant le camp. Nous faisons la chasse aux espions… Ils signalent l’emplacement des troupes, et les marmites arrivent ; ils coupent nos téléphones de campagne, etc. « (Lettre du fusilier Maurice Faivre.)
  2. Cette suppression, rendue plus urgente après l’attaque de la Grande-Redoute, eut lieu le 23 : le colonel Delage décida de reverser ce qui restait de la compagnie Pitous dans la 5e compagnie (capitaine de Roucy), pour former une 5e compagnie à l’effectif à peu près normal, et de ramener ainsi le régiment à 2 compagnies de 4 sections.