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laquelle l’état-major n’a pas cru devoir faire appel à des troupes plus solides que les fusiliers marins. » Et peut-être, en effet, malgré l’absence d’artillerie lourde, ces troupes eussent-elles tenu toutes leurs promesses, si elles avaient pu se reconstituer au préalable, si les positions ennemies leur avaient été moins sommairement décrites, si la liaison des armes, enfin, au cours des attaques qui vont suivre, avait été mieux assurée.


I. — LE NOUVEAU FRONT DE LA BRIGADE

Tant à Loo qu’à Dixmude, la Flandre nous avait déjà présenté d’assez coquets échantillons de ses tempêtes. Celle qui se déchaîna dans la nuit du 5 fut particulièrement violente : pluie et vent mêlés, un cyclone « à déraciner les arbres, » disent les carnets. L’heure matinale à laquelle on avait réveillé les hommes (une heure) donnait à supposer qu’on les mettrait en marche avant le jour ; mais, par suite de la dispersion des contingens ou pour toute autre cause, la plupart des unités ne s’ébranlèrent qu’à neuf heures du matin. S’il faisait clair, il ventait plus fort que jamais ; la bourrasque secouait frénétiquement sur la plaine ses ailes ruisselantes d’une eau jaune ; les peupliers craquaient et les hommes courbaient le dos sous l’averse. On ne connaissait pas la destination de la brigade ; on savait seulement qu’on marchait dans la direction du Sud et que l’itinéraire, après Pollinchove, passait par Linde, Elsendamme, Ostvleteren et Woesten, petits villages jalonnant la grande route de Fumes à Ypres. Nous envoyait-on en soutien des Anglais ? Certains le pensaient et n’en étaient pas autrement fâchés[1]. Mais, à Woesten[2], la brigade fit demi-tour et quitta la grande route : peu après, les hommes s’égaillaient, par une résille de pistes boueuses, vers les cantonnemens qui leur avaient été affectés dans les fermes de Bosch-Hoek.

Ni le nom, ni la chose n’étaient bien ragoûtans. Les fermes regorgeaient de soldats. D’où quelque encombrement, mais tout passager, puisque ces troupes appartenaient aux deux régimens d’infanterie que nous allions relever. Il est deux heures

  1. « Nous espérons qu’on va nous confier Ypres. » (Lettre du commandant Geynet.)
  2. « Quelque cent mètres au-dessus d’un cabaret à l’enseigne du Lion belge. » (Carnet du docteur L, G…)