Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/494

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est une Femme. Elle est blanche comme une Idée.
« Une Victoire ! » dit Celui qui s’y connaît.
— C’était la Marseillaise, en effet, qui venait
De devenir la Marne. — Et, sans être jalouse,
L’âme de l’Empereur a senti que les douze
Victoires qui, dans l’ombre où son sépulcre luit,
Avaient jusqu’à présent fait cercle autour de lui,
Depuis qu’elles ont vu la Victoire nouvelle
Ont relevé les yeux, et font cercle autour d’elle !
— « Sire, d’un mort vainqueur je précède le char !
Il va venir ici. — Comme moi ? » dit César,
Levant ses belles mains que l’on n’a pas croisées.
— « Il approche, il descend par les Champs-Elysées.
— Comme moi ? — Son cercueil, qu’un peuple circonvient.
Sert à braver nos ennemis ! — Comme le mien ?
Est-ce donc, dit la Voix, qui redevient hautaine.
Un de mes généraux ? — Non. C’est un capitaine.
— Son nom ? — Tu l’oublias. — Qu’a-t-il fait, ce héros ?
— Il a plus fait pour toi que tous tes généraux.
Et puisque c’est par lui que ce peuple s’élance,
C’est lui qui t’a donné Berlin, Vienne… — Silence !
Je sais son nom. C’est vrai qu’il a soufflé la foi.
Il peut venir dormir entre Turenne et moi ! »

Dormir, lui ? Non ! — Dormez, ô gloires embaumées !
Lui, sa gloire est vivante, et retourne aux armées !
Empereur plus captif qu’un mort égyptien.
Quand tu n’as plus d’empire, un chant garde le sien !
L’âme d’un violon demeure la plus forte !
Votre petite épée à votre flanc est morte ;
Tous les bâtons de beau velours incrusté d’ors
Sont morts dans les poings morts de vos maréchaux morts,
Et sous l’archet vivant l’alto sublime chante !