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Et la foule aussitôt forme un rond effrayant,
S’émeut, chante… Et le chant reprend son vol, ayant
Sauvé le clavecin de Marie-Antoinette.

— « Serrez vos bataillons ! Baissez la baïonnette !
Chantez ce chant ! et vous vaincrez ! » C’est Dumouriez
Qui parle. Et, fiers pandours qui déjà souriiez,
L’énorme chant, parti des ailes et du centre,
Vous met la peur — avant la baïonnette — au ventre !
Ce chant à nos soldats tient lieu de pain, de rhum,
De souliers le matin, le soir de Te Deum !
L’âme du violon chante dans tous les cuivres !
Marseillaise ! à présent tu combats, tu délivres.
Tu voles, désignant l’Avenir d’un estoc
Qui fait réfléchir Gœthe et larmoyer Klopstock !
Tu voles ! Quelquefois tu reviens ; tu t’arrêtes
Sur les vingt Girondins debout dans cinq charrettes,
Et tu repars ! Jamais ton cœur ne préféra
Les tambours de Santerre au tambour de Bara.
La Marseillaise vole ! Elle chante à Bruxelles…
Ah ! qu’elle y chante encor ! — Et puis, battant des ailes,
On la voit, à Paris, un jour de Messidor,
Entrer dans l’Assemblée… ah ! qu’elle y entre encor !
Mais elle dit toujours : « Il faut que je m’en aille,
Gossec n’orchestre pas si bien que la mitraille ! »
D’ailleurs, tout l’horizon tonne, l’heure approchant
Où chacun des cris d’or échappés de ce chant
Va se durcir en aigle au sommet d’une hampe.
— Quand on chante ce chant la nuit, l’émigré rampe
Pour l’écouter de loin, et l’écoute en rêvant :
Ce chant devient la France ! et plus d’un ci-devant
L’a hurlé, le bicorne à la pointe du sabre !
— Sur un socle de neige un cheval blanc se cabre :