Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

feinte, répondait-on ; indignation de théâtre ; jeux classiques d’un art enfantin. Cela aussi était prévu et arrangé ; cela aussi était écrit dans la partition. Ainsi que l’avocat dont les plaidoiries étaient trop soigneusement préparées, le Chancelier avait d’avance noté, en marge de ses instructions: « Ici, s’indigner. » Volontairement ou non, on se trompait d’un côté et de l’autre. Pour restituer à la note de M. Wilson son caractère et en marquer plus exactement la portée, il est bon de la replacer, à présent qu’on a le recul suffisant, au, milieu des circonstances mêmes qui en ont entouré la publication.

En premier lieu, si l’on avait été plus attentif, et si l’on avait mieux observé les faits quotidiens, on aurait été moins surpris. Dès le lendemain du discours prononcé par M. de Bethmann-Hollweg, au Reichstag impérial, sur « la nécessité de rendre impossible le retour d’une pareille guerre, » c’est-à-dire dès le 9 novembre, une « vigoureuse campagne pacifiste, » une « campagne pacifiste remarquablement active, » s’était ouverte aux États-Unis. Diverses associations, de tendance germanophile, invitent dès lors le Président à offrir sa médiation. Le New-York American du 16 novembre voudrait même qu’il l’imposât, par cette raison que « la guerre, inutilement prolongée, nuit aux intérêts des neutres autant qu’à ceux de l’humanité. Pour défendre les uns et les autres, et mettre fin à cette tuerie insensée, les neutres ne devraient pas hésiter à recourir à la menace et, au besoin même, à la force. » Le New- York Times lui-même commence, sous la signature symbolique de Cosmos, une série d’articles dont le titre commun est : « Tous désirent la paix ; pourquoi ne pas la faire dès maintenant ? » et dont le thème général, contraire au point de vue allemand, se résume en ceci : « L’Allemagne est battue ; elle n’a plus l’espoir d’atteindre aucun des buts pour lesquels elle est partie en guerre; la victoire dont les Alliés font une condition de leur consentement à négocier leur appartient dès aujourd’hui. L’heure de causer semble venue. » Ces articles paraissent du 15 au 25 novembre : le 27, leur titre, un peu modifié, devient : « Tous désirent la paix : quelles en doivent être les bases ? » La position de l’Entente, que la paix est impossible tant que les crimes allemands ne seront pas punis ni le militarisme allemand abattu, est d’ailleurs tenue fortement par le World, le Sun, la New-York Tribune, le Brooklyn Eagle, le Springfield Republican, le Public Ledger. En revanche, les progermains ont hâte d’exploiter les succès acquis ou imminens de Falkenhayn et de Mackensen en Roumanie : ils tremblent de manquer cette occasion favorable à la paix allemande, car qui sait si ce ne sera pas la