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quelles circonstances, c’est ce que nous apprennent les mémorialistes du temps, et, tout le premier, Marmontel, familier du logis.

Il semble peu douteux qu’en prenant Mlle des Hayes pour maîtresse, La Pouplinière n’ait conçu tout d’abord aucune pensée matrimoniale. Le mariage, tout d’abord, en tant qu’institution, ne lui agréait guère. De plus, personnellement, il ne se sentait point de goût pour l’état conjugal. Dans l’espèce de journal qu’il intitule son Voyage en Hollande, on lit des passages dans ce goût. A propos du mariage, considéré comme le remède aux appétits charnels : « Ce remède, écrit-il, n’est qu’une misère de plus, puisqu’il impose un joug sous lequel un esprit libre ne peut fléchir, puisqu’il tend à fixer l’inconstance naturelle des goûts, que jamais rien n’arrêtera. » S’il faut cependant en passer par cette nécessité sociale, il parait incliner franchement vers la polygamie : « Orientaux, mes amis, ne serez-vous jamais nos modèles ? »

Toutefois, avec le temps, l’accoutumance, le charme de Thérèse, la sincère affection qu’il ressentait pour elle, purent modifier insensiblement ses idées et l’amener peu à peu à envisager l’hypothèse d’une union régulière. L’attitude de Thérèse était bien faite pour l’y encourager. « Elle observait avec lui tous les dehors d’une austère pudeur, écrit un homme qui lui est assez peu favorable ; et ses faveurs étaient toujours accompagnées de larmes, qui leur donnaient encore plus de prix aux yeux de son amant. Son amour s’en allumait davantage. Enfin il fut question de cesser un commerce dont la vertu avait à rougir, ou de le rendre légitime[1]. » D’après Jean-Jacques Rousseau, l’abbé Hubert, « sincère ami de M. de La Pouplinière, » aurait fait les plus grands efforts pour l’empêcher d’épouser sa maîtresse, d’où il appert qu’il y songeait. D’autre part, Luynes, dans ses Mémoires, écrira sans ambages : « M. de la Pouplinière s’était marié par amour. » Dans tous les cas, si La Pouplinière hésitait, Thérèse était bien résolue, et sa mère encore davantage[2]. Celle-ci, Mimi Dancourt, loin de rompre avec sa fille pour s’être laissé engager dans un chemin irrégulier, parait l’avoir toujours soutenue et dirigée de ses conseils, et être même demeurée en bons termes avec

  1. Correspondance de Grimm.
  2. Confessions.