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concession qui n’est jamais bénévole. Il est donc inévitable que nous soyons toujours en retard !

« Vous n’imaginez pas ce que furent les débuts de la campagne, les chicanes, la gêne imposée à notre débarquement, les renseignemens faux donnés à nos officiers d’avant-garde par de soi-disant francophiles. Une fois à terre, nous trouvons mille difficultés pour nous installer : ce sont les terrains interdits, les constructions arrêtées pour des prétextes futiles, des lenteurs voulues dans les moindres autorisations administratives ; bref, tout ce qui peut retarder notre action.

« Quand il s’agit de donner la main à l’armée serbe, c’est l’administration des chemins de fer qui témoigne sa mauvaise volonté ; ce sont les wagons refusés, les trains militaires réduits au minimum. Puis, lorsque la Serbie est écrasée et que nous battons en retraite, c’est l’hostilité de l’armée hellénique qui se donne libre cours et libre manifestation : d’abord, les signes extérieurs, l’interdiction soudaine faite aux officiers grecs de se montrer en public avec des officiers français ; puis la concentration des troupes grecques sur les hauteurs qui dominent nos positions, cent mille hommes rassemblés à Salonique, et ces nuits anxieuses de novembre 1915, ces nuits où nous attendions, des « vêpres saloniciennes, » où nous couchions avec notre revolver chargé à portée de la main…

« Et chaque jour de nouveaux embarras pour la délimitation des zones occupées par nos troupes ; le maintien des régimens grecs devant nous, sur notre front ; l’espionnage dirigé par des officiers ; un lieutenant qui coupe nos fils téléphoniques, dont nous exigeons le remplacement et qui est décoré, le lendemain, par le Roi ; la ville remplie d’Allemands qui renseignent leur consul, tout à l’aise, et d’Allemandes qui arborent sur leur chapeau les rubans du Breslau et du Gœben, et rient au nez de nos marins dans les restaurans et dans les rues…

« Nous avons un peu nettoyé Salonique. Les consuls ennemis sont expulsés et l’espionnage, encore très efficace, est moins impudent. Mais l’Allemagne tient toujours la Grèce, l’empoisonne de sa propagande, entretient ses méfiances et ses rancœurs, utilise la cupidité des uns et la lâcheté des autres, et fait même tourner à son profit l’inertie volontaire ou forcée de gens qui ne sont, pour nous, ni amis, ni ennemis… »

Je voudrais penser que mon ami pousse au noir le tableau