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pourrait sourire ? Ce voyage qui commence ne me donne pas la sensation de déliement, d’envol, que j’ai goûtée à d’autres départs. Pourtant, là où je vais, bien des choses sollicitent mon esprit et mon cœur, et je sais que je retrouverai la France sur le sol macédonien.

D’ailleurs, si je croyais aux présages, je devrais remercier la destinée. Jamais départ ne fut entouré de meilleurs augures. Ce jour qui se lève, c’est le jour de la grande fête pascale, fête de l’espérance et du renouveau, triomphe des forces créatrices sur les puissances de destruction. Le vent de terre vibre de mille voix confuses, et, plus haut que les canons, il me semble entendre les cloches de nos clochers carillonner la bonne nouvelle et annoncer au monde entier la résurrection de la France.

A sept heures, dans la chapelle improvisée et parée par les infirmières du bord, l’aumônier du S… dit la messe. Le roulis bouscule un peu les assistans. Il y a là quatre ou cinq femmes, blanches et voilées comme des catéchumènes, quelques matelots, quelques officiers, et un prêtre passager, l’abbé P… ancien missionnaire en Syrie, et qui rejoint Salonique comme aumônier d’une division navale. La cérémonie est tout à fait simple et touchante.

Un peu plus tard, ceux qui s’étaient à peine entrevus, la veille, se rencontrent au carré pour déjeuner, ou sur le pont…

Le S…, navire-hôpital, ne peut transporter que du personnel hospitalier et du matériel sanitaire. Il n’y a donc, à bord, que des médecins, des infirmiers de la marine, trois infirmières attachées au bâtiment, et quatre dames qui se rendent à Salonique, à la disposition du service de santé. Deux de ces dames, Mme Tr… et Mme de B…, ont servi déjà sur le Charles-Roux, pendant la campagne des Dardanelles, puis dans un hôpital de Moudros. Les infirmières du S… qui appartiennent à l’Union des Femmes de France, ont débuté par les voyages d’évacuation des Serbes, entre Corfou, Bizerte et la France.

Je suis novice dans le métier et la conversation de mes aimables compagnes m’apportera de précieux enseignemens.

Pendant cette première journée, on a parlé quelque peu des sous-marins, mais c’était pour en rire. Notre bateau n’est pas défendu contre ces agresseurs sournois : il ne possède point de canon, et la convention internationale l’oblige à se laisser