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liminaires ; II. déformation morale ; et III. projection extérieure. » Si de tels mots semblent un peu énigmatiques, ils ne le sont pas tout à fait ; s’ils le sont un peu, ce n’est pas pour déplaire au poète, qui ne va plus nous peindre en clair la Flandre, ses pâtis, ses couvens, mais d’autres visions, plus fantastiques. La littérature et, en particulier, la poésie était alors énigmatique très volontiers.

Nos Symbolistes le prouvent surabondamment. Il y avait, dans leur façon d’être obscurs, de la niaiserie quelquefois ; et, en outre, le désir d’étonner le prochain. Cependant, si l’on plaidait pour eux, il ne faudrait pas oublier qu’ils avaient à réagir et qu’ils ont très utilement réagi contre la vile bassesse du réalisme et contre un certain positivisme très bête. Ils ont rêvé de sauver la littérature et la poésie, de l’arracher à de sales entours, de la mettre à l’écart et, au besoin, de l’enfermer dans un chaste secret. Puis, le réalisme et le positivisme qui allaient ensemble avaient pour conséquence de réduire à néant le mystère ou, comme on disait, le merveilleux, à quoi la poésie ne renonce pas sans dommage et qui est ce que la poésie préfère dans la réalité. Dans la réalité : car ce fut l’erreur d’un certain positivisme, de croire qu’on expulse et qu’on relègue hors de la réalité le mystère. Il est dans la réalité même ; et, pour ainsi parler, il appartient à la substance même de la réalité. Voilà ce que les Symbolistes ont bien vu ; ou, plutôt que d’aller si loin, notons qu’ils ont paru l’entrevoir. Leur idée est juste et favorisait la poésie. Or, c’est à leur idée que vient le Verhaeren des Soirs, des Débâcles et des Flambeaux noirs. On n’aurait pas deviné peut-être qu’il dût y venir jamais, quand il écrivait ces Flamandes, si dépourvues de mystère, si belles d’évidence et copiées tout droit sur la nature manifeste, et visible, et tangible. Le mysticisme des Moines est-il une étape de son chemin vers le mystère ? A la vérité, non.

Ses biographes, M. Francis Vielé-Griffin, M. Albert Mockel, racontent qu’à l’époque des Soirs, des Débâcles et des Flambeaux noirs, le poète subissait une « crise ; » enfin, « cet homme nerveux, qui déjà concevait la vie avec une sorte de fièvre, venait de rencontrer la Maladie. » Et l’on remarque en effet, dans ces poèmes, une bizarre exaspération de souffrance, un goût de la torture mentale et comme un âpre désir de frissonner parmi les hallucinations les plus tourmentantes. Mais il ne résulte pas de là que le Symbolisme soit une aventure assez morbide et soit une folie ! On aurait vite fait de le supposer. Ni le Symbolisme n’est une folie, ni le symbolisme de Verhaeren. Seulement, la réalité qui nous est proche et familière, nous sommes