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LA
RUSSIE DÉLIVRÉE DE L’ALCOOL


I. — COUP D’ŒIL SUR LE PASSÉ

« L’Allemagne, dit-on, a fait sans le vouloir trois bonnes choses : elle a doté l’Angleterre d’une armée, délivré la Russie de l’ivrognerie et rendu Dieu à la France. » C’est le 14/22 août 1914, que, d’un simple trait de plume, le Tsar réalisa cette réforme dont il est encore impossible d’évaluer toutes les heureuses conséquences pour l’avenir de la Russie.

— Qui a vu notre pays il y a deux ans et le verrait maintenant ne le reconnaîtrait plus, a-t-on répondu de toutes parts à nos questions sur la suppression de l’alcool. C’est le paradis après la géhenne, l’ordre après le relâchement, la liberté après la licence, la dignité individuelle des plus humbles désormais recouvrée. Alexandre II avait libéré la Russie du servage, Nicolas II lui a rendu un service plus grand encore en la délivrant de l’alcool.

L’ivrognerie du peuple russe était devenue quasi proverbiale. Qui ne connaît la fameuse épitaphe : « Passant, dans ce cimetière, il y a une tombe, dans cette tombe il y a un pope, et dans ce pope il y a de la vodka. » Cependant, si l’on consulte les statistiques, on constate que ce n’est pas à la Russie, mais bien à la France que revenait le triste privilège de marcher en tête des nations dans cette course à la mort qu’est l’abus de l’alcool. En effet, tandis que la consommation individuelle en alcool pur s’élevait en France avant la guerre à 26 litres 6/100 par an,