Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ne saurait entrer dans mon dessein de raconter ici sous combien de formes ingénieuses, — et pratiques, — les artistes des États-Unis ont témoigné de leur esprit de solidarité envers leurs camarades de France. Ce sont choses qui ont leur place indiquée d’avance dans le Livre d’or franco-américain qu’on ne manquera point, je l’espère, de publier plus tard, à l’heure de la grande liquidation, lorsqu’il s’agira d’établir le bilan de nos dettes de cœur et de payer à la vraie Amérique le tribut auquel elle a droit. Mais je puis certifier, dès à présent, que la page des architectes y sera belle. Et, dans cette page, un nom brillera d’un éclat tout particulier : celui de M. Whitney Warren. Car il en est, lui aussi, de la « section d’architecture, » le fier citoyen new-yorkais qui, sitôt la guerre déclarée, mettait sans réserve à la disposition de la France sa prodigieuse activité toujours en haleine, jamais à bout, et non pas la sienne seulement, mais celle de sa femme avec l’aide de laquelle il fondait, pour commencer, l’œuvre du « Secours National, » destinée à parer aux besoins les plus pressans des populations envahies. Je comptais bien avoir, au cours de ma longue randonnée, l’occasion de serrer chaleureusement la main à ce paladin de l’amitié française en Amérique. J’en étais d’autant plus désireux que je n’avais pas été sans surprendre chez certains de ses compatriotes, — et même des nôtres, hélas ! — des ironies maladroites à l’adresse de ce qu’ils appelaient son donquichottisme exaspéré. Mais, toutes les fois que je manquerais de lui auprès de nos relations communes de New-York, la réponse, invariablement, était :

— Il vient de s’embarquer pour la France.

A moins qu’elle ne fût :

— Nous l’attendons incessamment aux Etats-Unis.

Il en arrivait à m’apparaître comme une sorte de Juif-Errant atlantique, d’éternel pèlerin de la mer chargé de faire la navette d’une rive à l’autre de l’Océan, pour maintenir le contact moral entre le pays de La Fayette et celui de Washington, entre la république des quarante-huit étoiles et celle des trois couleurs. Tel était, du reste, ou peu s’en faut, l’aspect sous lequel il devait s’offrir à ma vue dans la réalité. Ce fut, en effet, sur un pont de paquebot, lors de ma deuxième traversée de retour, que je le rencontrai enfin. J’avais distingué de prime abord, parmi les passagers de l’Espagne, un