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AUX ÉTATS-UNIS
PENDANT LA GUERRE

L'OPINION AMÉRICAINE ET LA FRANCE

I
LES UNIVERSITÉS

Il est toujours délicat d’écrire de l’Amérique. Volontiers elle nous reproche, à nous Français, de porter sur elle des jugemens d’ensemble qui, même lorsqu’ils sont exacts, ne le sont que pour une zone restreinte ou pour un bref moment. De fait, s’il est un pays, ou mieux un agrégat de pays, qui répugne à se laisser emprisonner dans une formule, c’est assurément celui-là. Il n’est pas seulement l’expression de la vastitude, en ce que le mot a de plus suggestif : son immensité réunit, par surcroît, tous les contrastes, à un degré dont aucune terre européenne ne saurait nous donner l’idée, — sans parler d’une infinité de nuances, perceptibles pour l’Américain, mais qui passent insoupçonnées de l’étranger. Joignez que ce pays, fait de tant d’élémens divers, souvent contradictoires, qui se compare lui-même à un amalgame en fusion, à un metling pot, est aussi bien la patrie par excellence du changement, — du changement rapide, instantané, total. Les vivans, ici, vont encore plus vite que les morts. Ce qui est vrai d’eux, au matin, ne l’est, pour ainsi dire, plus le soir. Et c’est l’émerveillement du voyageur qui les visite de constater, d’une année à l’autre, avec quelle puissance et quelle soudaineté cette surprenante faculté américaine de transformation s’exerce