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de 1654 et presque toutes les pièces importantes de cette période de l’œuvre du maître, ainsi que la Négresse couchée, la Baigneuse, furent intégralement conservées en raison du peu d’intérêt qu’elles offraient aux recherches spéciales de leur possesseur. L’incompétence de Watelet était telle qu’il put recopier totalement, d’après le cuivre qu’il possédait, cette pièce dite L’aveugle, ou les Musiciens ambulans que tous les catalogues attribuent, encore à Rembrandt, sans s’apercevoir que le cuivre est signé : G. Dou, sur la vielle de l’aveugle ! !

Dans la préface de son recueil, les « Rymbranesques, » Watelet annonçait, en 1775, qu’il avait terminé la petite planche du dessinateur devant le plâtre, et il laissait entendre qu’il avait surpris tous les secrets de Rembrandt…

A sa mort, ses cuivres furent acquis par F. Basan, le graveur-éditeur qui avait fait de l’ « Hôtel Serpente, » rue Serpente, un lieu de délices pour les amateurs d’estampes. Il avait réuni plusieurs centaines de cuivres et de bois originaux de toutes les Écoles : Callot, Dürer, Marc-Antoine, Tiepolo, Rembrandt, les Van Ostade figuraient dans ses catalogues de plus d’un millier de pièces.

Les cuivres de Rembrandt passèrent ensuite dans le fonds de l’éditeur Auguste-Jean en 1810, puis de la veuve Jean et Michel Bernard. Dès cette époque, on ne fit plus que des tirages clandestins, à l’usage des petits brocanteurs, tant l’encrassement des tailles par les vernis apparaissait sans remède. C’est ce qui les sauva. Ils sont aujourd’hui la propriété de M. Alvin-Beaumont.

Sur les 78 planches de cette collection, 32 sont à peu près sans aucune retouche, ou sans retouche grave, et dans un état de conservation digne d’en faire des pièces de grand musée, par leur valeur artistique et documentaire. Vingt-deux autres pièces sont encore intéressantes par ce qu’il en reste de la main même de Rembrandt ; le reliquat des autres pièces est presque détruit, sous les retouches, l’usure, ou des essais de restauration.

Tenir un cuivre de Rembrandt dans ses mains, concevoir lentement, parmi des vérifications multiples et minutieuses, cette certitude qu’il n’a subi aucune atteinte et qu’il semble passer de ses doigts dans nos doigts, n’est-ce point pour un graveur une aubaine émouvante ? Voir sortir de sa presse des