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beaucoup plus solides, puisqu’elle reposait sur la valeur intrinsèque de ses eaux-fortes, dont il possédait presque tous les cuivres, qu’il pouvait n’imprimer qu’à son gré. Mais il entreprit de racheter, à un taux élevé, toutes les pièces de sa main qui passaient en vente à Amsterdam. Il fixa lui-même la cote de certaines d’entre elles, comme la Grande Résurrection de Lazare, œuvre de jeunesse, qu’il taxa à 50 florins, parce qu’il l’avait rachetée, à ce prix, dans une vente publique. Puis il fit demander indirectement, — de ses deniers, par de nombreux courtiers d’Europe, avec lesquels il était en relations, — aux divers marchands d’Amsterdam, les pièces qu’il avait raréfiées dans la ville, afin d’en augmenter le cours. Pendant ce temps, il refusait obstinément la vente des épreuves de ses planches nouvelles, au-dessous du taux qu’il leur avait fixé. Mais, pour subvenir à ces opérations hasardeuses, il consacra toutes ses disponibilités, tous ses gains ; puis il s’endetta, en espérant pouvoir tenir tête à l’orage que son audace accumulait autour de lui. Enfin, il dut procéder par voie d’échanges, et il semble bien qu’il avait affrété quelques petits vaisseaux, pour transporter en Italie une partie de ses collections hollandaises et de ses œuvres personnelles.

D’autre part, il devait alimenter les demandes et la curiosité de l’étranger, en produisant le plus possible de planches nouvelles ; c’est pourquoi on voit apparaître autour des pièces extrêmement précieuses comme les Cent Florins, ces croquis, relativement sommaires, des Paysages à la tour, à la vache, à l’homme au lait, au troupeau de moutons, à la barque, aux cygnes, de la campagne du peseur d’or, qui sont la menue monnaie de sa spéculation sur ses eaux-fortes.

Puis, le maître s’affirme à nouveau, dans Jésus prêchant, surnommé la Petite tombe, parce que la planche avait été donnée en garantie à Pieter de la Tombe, à propos d’un achat en commun, qu’il avait fait avec cet artiste, d’une Samaritaine de Giorgione, dont on doit trouver le ressouvenir dans la Samaritaine de Rembrandt, datée de 1658. Le Jésus prêchant est une œuvre puissante, largement conduite, dans un format très restreint. La couleur en est admirable et la science technique du Maître en fait une pièce du plus haut enseignement.

Le portrait du docteur Fautrieus est une œuvre très singulière. Le docteur était l’un de ces « philosophes » qui se