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imaginer qu’il va le déposer ou le laisser reposer. Si vraiment Falkenhayn a disparu du front valaque, à moins qu’il ne soit tué ou blessé où malade, — toutes hypothèses qu’il est plus prudent d’écarter, — nous le verrons bientôt reparaître ailleurs. Et il est aussi plus prudent de compter que, là où il reparaîtra, il ne reparaîtra pas tout seul. L’intérêt capital qu’ont les Empires du Centre à maintenir ouverts et à déblayer les chemins de l’Orient, à resserrer le lien qui attache à leur char la Bulgarie et la Turquie, doit nous servir d’avertissement. La politique allemande, comme la stratégie allemande, joue sur les lignes intérieures ; elle n’a pas varié depuis le grand Frédéric, qui, pendant la guerre de Sept Ans, fit de tout : des renversemens d’alliances, des changemens de front, des paix séparées, et des enrôlemens de vaincus. La question que tout d’abord ses héritiers et ses disciples auraient à cœur de régler, ce serait la question des Balkans : après quoi, ils seraient plus libres de fournir l’effort nécessaire pour régler les autres. S’ils y voyaient le plus petit jour, ils ne se donneraient terme ni à six mois, ni à trois mois; l’hiver leur serait un printemps. Leur industrie de guerre n’est point une industrie saisonnière; en face d’eux, il convient de ne pas s’engourdir au froid et de ne pas faire la marmotte. Les offensives germano-turco-bulgares se font plus fréquentes et plus vigoureuses dans la région de Monastir, contre notre armée de Salonique. Serait-ce une indication ?

N’en serait-ce pas encore une autre, que les derniers incidens d’Athènes, où le roi Constantin est passé subitement de l’hostilité sourde à la guerre déclarée ? Peut-être est-ce un tort d’écrire « subitement, » et la transition, au contraire, s’est-elle opérée par étapes; non point que le fond des sentimens ait eu jamais à changer, ces sentimens ne nous ayant jamais été favorables, mais les attitudes et les actes se sont, avec les circonstances, accusés ou accentués; graduellement progressivement, de la malveillance au défi. Que Constantin Ier ait été si bon beau-frère qu’il n’ait pas une seconde douté de la victoire de l’Allemagne, ni du châtiment et de la perte de quiconque oserait la braver, il n’y a pas à lui en faire reproche. Que même il ait été si bon beau-frère qu’il ait été un mauvais roi, ce n’est affaire qu’entre lui et son peuple. Mais que, dans son esprit de famille, il en soit venu à ourdir, contre les trois Puissances auxquelles la Grèce, comme nation moderne, doit la vie, et lui-même, comme fils de son père, la couronne, toute une trame d’intrigues et de trahisons, après les avoir appelées ou laissé appeler, par son ministre responsable, sur le territoire hellénique, c’est affaire entre lui et elles. En attendant qu’intervienne le